Au Gabon, le loyer d’un logement semble plus influencé par l’humeur du propriétaire que par une base objective. Pourtant, certains bailleurs justifient leurs tarifs élevés par le « coût des matériaux ». Ciment, fer, tôle, carrelage : les prix ont effectivement grimpé. Mais cette réalité suffit-elle à expliquer les loyers parfois délirants dans certains quartiers de Libreville, Port-Gentil ou Franceville ? Une logique souvent opaque, où le béton devient prétexte à toutes les hausses.
Au Gabon, les commerçants spécialisés dans le BTP confirment : le ciment est passé de 4 500 à 6 000 FCFA le sac en à peine deux ans. Le fer à béton, majoritairement importé, est lui aussi victime de l’inflation mondiale, des frais portuaires, et des taxes locales. Les carreaux ou équipements sanitaires, souvent chinois ou turcs, subissent aussi les aléas de la logistique.
Pour autant, la majorité des matériaux de base, sable, gravier, bois local, reste disponible sur le territoire. Dans certaines villes comme Mouila ou Lambaréné, les artisans utilisent encore des briques faites à la main. Les coûts varient donc énormément selon qu’on construit en dur avec du matériel importé ou en semi-dur avec des matériaux locaux.
Le mythe du coût de construction pour justifier des loyers excessifs
« J’ai construit avec mes propres moyens, donc je fixe mon loyer comme je veux », affirme un propriétaire d’Akanda, dont le studio d’une chambre est proposé à 150 000 FCFA/mois. Pourtant, même amortie sur dix ans, la construction de son immeuble ne justifierait pas un tel montant, selon un architecte interrogé.
Au Gabon, rares sont les bailleurs qui tiennent une comptabilité claire de leurs investissements et des charges d’entretien. Le loyer devient alors un levier de rentabilité immédiate, déconnecté de toute logique économique ou sociale. Ce phénomène est aggravé par l’absence de mécanisme public de régulation ou d’évaluation ou même de contrat de bail indiquant les devoirs et les droits de chacune des parties.
Logements coûteux mais souvent mal construits
Ironie du sort : plusieurs logements construits avec des matériaux coûteux souffrent de malfaçons. Murs fissurés, infiltrations, mauvaises finition, les locataires payent parfois pour un standing qui n’existe que sur papier.
Les professionnels du bâtiment pointent un autre problème : le recours fréquent à des maçons non qualifiés, et l’utilisation de matériaux bas de gamme sous couvert de « construction moderne ». Résultat : des loyers surfaits pour des habitations fragiles.
Mercuriale, piste de solutions ?
Face à ce chaos tarifaire, la ville de Port-Gentil a initié une démarche intéressante : l’instauration d’une mercuriale. Ce document, réactualisé périodiquement, recense les prix moyens des matériaux de construction, quartier par quartier. Il permet de mieux comprendre les coûts réels d’un projet immobilier et de sensibiliser les propriétaires à une fixation plus rationnelle du loyer.
En liant les loyers aux coûts effectifs de construction, on poserait les bases d’un système plus juste et moins spéculatif. Les matériaux de construction ont bon dos. S’ils influencent indéniablement les coûts de l’immobilier, ils ne justifient pas à eux seuls les loyers prohibitifs qui étranglent les ménages gabonais.
En l’absence de cadre légal, la subjectivité règne, et le logement devient une rente. La transparence à travers des mercuriales locales, des grilles de loyers ou des dispositifs incitatifs pourrait être la première pierre d’un habitat plus équitable.