C’est un tournant stratégique majeur pour la souveraineté économique du Gabon. À l’occasion du conseil des ministres du 4 juin 2025, Brice Clotaire Oligui Nguema, a pris une position claire et ferme sur la valorisation des ressources halieutiques nationales. Il a instruit le gouvernement de mettre en œuvre la procédure de dénonciation unilatérale de l’accord de pêche liant le Gabon à l’Union européenne, en vigueur depuis 2021 pour une durée de six ans.
Ce retrait annoncé concerne l’Accord de partenariat de pêche durable (APPD), signé initialement en 2007 et régulièrement reconduit depuis. Un partenariat que le le chef de l’État juge désormais « profondément déséquilibré », au regard des bénéfices qu’en tirent les flottes européennes par rapport aux faibles retombées pour l’État gabonais. « Les recettes issues de cet accord ne compensent ni la valeur réelle des captures, ni les coûts assumés par l’État en matière de surveillance et de contrôle, ni les pertes de valeur ajoutée dues à l’absence de transformation locale », a-t-il souligné.
En clair, malgré les années de coopération, le Gabon estime ne pas avoir reçu une contrepartie équitable. À cela s’ajoute une critique sévère sur le manque d’engagement des partenaires européens. Le président de la République a dénoncé « la faiblesse des investissements consentis par les partenaires au titre du développement local, de l’emploi ou du renforcement des capacités nationales », ainsi que « les risques accrus de surexploitation des ressources halieutiques, en l’absence de mécanismes partagés de transparence et de suivi scientifique ».
Une décision souveraine et un cap clair
Brice Clotaire Oligui Nguema a ainsi demandé la notification écrite de cette dénonciation à la Commission européenne, comme le prévoit l’article 13 de l’accord. Il ne s’agit toutefois pas d’un repli, mais d’une volonté de refonder les bases de la coopération dans le respect des intérêts du Gabon. « Cette dénonciation doit ouvrir la voie à une possible renégociation sur des bases rééquilibrées ou à l’exploration de nouveaux partenariats plus alignés sur les priorités nationales », a-t-il précisé.
Ces priorités sont claires : le développement d’une véritable filière thonière gabonaise, structurée, durable, et souveraine. Cela passera par la réalisation des infrastructures indispensables, notamment « zones de débarquement modernes, entrepôts frigorifiques, unités de transformation industrielle, chantiers navals », comme l’a énuméré le chef de l’État.
Une exigence de mise en œuvre rapide
Pour Brice Clotaire Oligui Nguema, ce n’est plus l’heure des intentions, mais celle de l’action. Il insiste sur l’urgence à agir : « La structuration d’une véritable filière thonière nationale, créatrice d’emplois, de valeur ajoutée et de souveraineté, constitue désormais un objectif stratégique prioritaire ».
Il appelle donc à « une mobilisation immédiate et cohérente des administrations concernées ainsi que la recherche active de partenaires privés solides », ajoutant que cette orientation relève « non plus d’une ambition déclarative, mais d’une exigence de mise en œuvre rapide et effective ».
À travers cette décision, le Gabon affirme sa volonté de reprendre le contrôle sur ses ressources stratégiques, de les exploiter selon ses propres règles, et surtout, d’en faire un levier de développement inclusif. C’est un choix politique fort, qui s’inscrit dans une logique de rupture avec des schémas anciens où les richesses nationales profitaient davantage à des acteurs extérieurs qu’aux populations locales.
Le pays amorce ainsi une nouvelle trajectoire : celle d’un modèle économique tourné vers la transformation locale, la montée en compétences nationales, et la création de chaînes de valeur intégrées. Cette orientation stratégique, assumée au plus haut sommet de l’État, pourrait également inspirer d’autres nations africaines confrontées aux mêmes enjeux de captation de valeur et de justice économique.
Le Gabon veut désormais passer du rôle de fournisseur passif à celui d’acteur souverain, capable d’imposer ses standards, de négocier à égalité et de garantir à son peuple que les ressources de la nation profiteront d’abord aux gabonais.