Chaque jour, au Gabon, des boîtes, des pots et d’autres contenants sont utilisés par des personnes nécessiteuses pour recevoir des pièces de monnaie. Ces dons, pouvant aller de 5 à 500 francs, sont faits par des riverains touchés par des élans de solidarité et de générosité. Cependant, à la fin de leur récolte quotidienne, une faible partie de l’argent collecté est réellement utilisée pour leur survie. Ces personnes ont développé un commerce parallèle : la revente des pièces de monnaie.
Depuis quelques semaines, les usagers font face à une pénurie flagrante de pièces de monnaie, et ce, malgré la récente mise en circulation de nouvelles pièces par la BEAC. Cette initiative, qui visait à pallier ce phénomène, semble malheureusement n’avoir eu qu’un impact limité. « Malgré l’arrivée des nouvelles pièces, nous sommes toujours en quête de monnaie », affirme Honorine, tenancière d’une étable.
La solution proposée par la Banque centrale n’a pas suffi à résoudre le problème. Dans cette atmosphère d’incertitude, les mendiants, eux, semblent tirer leur épingle du jeu. « Quand un client propose 200 ou 300 francs pour un trajet, mais ne dispose que d’un billet de 500 ou 1 000 francs, je suis souvent contraint de refuser sa demande, faute de pièces pour lui rendre la monnaie », explique Adama, chauffeur de taxi.
Conscients de cette nouvelle opportunité, certains mendiants ont trouvé une manière ingénieuse de valoriser leurs récoltes de pièces : ils les revendent, non pas en les échangeant contre des billets ou des vivres, mais en réalisant un bénéfice. « Chaque fois que les mendiants viennent me proposer des pièces, ce dernier en tire une marge sur chaque lot acheté », témoigne Mme Mboma, gérante d’un dépôt de boissons.
Ainsi, il n’est pas rare de voir un sac contenant 9 000 francs en pièces vendu à 9 500 francs, voire 10 000 francs selon la demande. Une activité devenue lucrative pour ces nouveaux « fournisseurs de monnaie« .
Revente De pièces : ni interdite ni encadrée par la loi
Bien que cette pratique puisse sembler étrange et friser l’informel, elle n’est cependant pas punie par la loi. « La vente de pièces de monnaie n’est pas nécessairement répréhensible », a révélé Me Charmelle Mfoumboulou, juriste d’entreprise. En effet, aucun texte de loi gabonais n’interdit explicitement ce type de pratique. « Les échanges que l’on observe au quotidien ne sont pas considérés comme des actes punissables, puisqu’aucun texte ne les encadre en ce sens », a-t-elle précisé.
Ainsi, qu’il s’agisse d’un mendiant ou de toute autre personne en possession d’un amas de pièces et souhaitant s’en débarrasser en les vendant, cela peut être fait librement, sans risquer d’ennuis judiciaires.
En revanche, « c’est l’exportation illégale et la fonte de pièces pour les transformer en bijoux qui sont considérés comme illégales et peuvent être punies par la loi », a déclaré la juriste. Les faits répréhensibles par la loi concernent donc l’utilisation des pièces à d’autres fins que leur usage monétaire, notamment lorsqu’elles sont fondues pour être transformées en bijoux ou en objets divers, ou encore lorsqu’elles sont achetées dans le but d’être acheminées illégalement hors des frontières gabonaises.
Donner autrement pour endiguer ce phénomène
Étant donné la manière dont certains mendiants tirent profit des dons monétaires offerts par les riverains, souvent poussés par un sentiment de compassion, il devient aujourd’hui plus que nécessaire de privilégier les dons en nature au détriment des dons financiers. En effet, cela semble désormais être devenu un moyen pour certains de bénéficier gracieusement d’avantages sans contrepartie, au détriment de ces personnes généreuses, sincèrement touchées par la souffrance d’autrui et cherchant simplement à apporter leur modeste contribution.
