Au Gabon, de nombreux enfants grandissent sans connaître leur père, et sont victimes d’un refus de paternité très souvent banalisé. Si la loi reconnaît les droits de l’enfant à la filiation et à la protection, la réalité sociale demeure bien différente. Entre silence familial, lenteurs judiciaires et tabous culturels, ce fléau moral continue de ronger la société gabonaise dans l’indifférence générale.
Dans les quartiers populaires de Libreville, tout comme dans les villes de l’intérieur du pays, les témoignages se répètent : des mères abandonnées avec leurs enfants, des enfants sans reconnaissance légale, et des pères qui se dérobent à leurs responsabilités. « Dès que j’ai dit à mon copain que j’étais enceinte de lui, il m’a clairement dit qu’il ne voulait pas de cet enfant et que je devais m’en débarrasser sinon il mettrait fin à notre relation » a déclaré Milaine Ondo mère de famille. Le refus de paternité, bien que rarement dénoncé, est un phénomène massif et douloureux. Au-delà du droit, le refus de paternité constitue une blessure morale profonde. Dans une société où la famille reste un pilier central, priver un enfant de son père, c’est aussi l’exclure d’une part de lui-même.
Pourtant, le Code civil gabonais prévoit des dispositions claires en ce qui concerne le refus de paternité, car selon l’article 427, « la paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée lorsqu’il est prouvé par tous moyens, soit que le père prétendu a eu commerce intime avec la mère pendant la période légale de la conception, soit qu’il a avoué expressément ou tacitement être le père de l’enfant, notamment lorsqu’il a pourvu ou participé à son entretien ou à son éducation en qualité de père.» a déclaré Me Charmelle Mfoumboulou, juriste d’entreprise, qu’un enfant né hors mariage a droit à la reconnaissance de ses deux parents.
En cas de refus du père présumé, la mère peut saisir le tribunal pour établir la filiation par voie judiciaire. Le juge peut alors ordonner un test ADN, considéré comme preuve scientifique. Mais dans la pratique, ces procédures se heurtent à de nombreux obstacles : coût élevé des analyses, lenteurs administratives, et parfois même le refus de collaboration du père.
Dans la culture gabonaise, évoquer un refus de paternité demeure un sujet tabou. Les familles préfèrent souvent régler la situation en interne, loin des tribunaux. Résultat : des enfants grandissent sans filiation légale, sans soutien financier, et parfois sans identité complète.
Face à ce fléau qui passe très souvent sous silence, il est impératif que de véritable campagne de sensibilisation nationale ainsi que des réformes des mécanismes judiciaires soient entrepris, car reconnaître un enfant ce n’est pas seulement un acte administratif, c’est un acte d’humanité.

