Au Gabon, le poutoulou, poudre aphrodisiaque réputée pour « renforcer la virilité », circule librement dans les marchés, les quartiers et les réseaux informels. Consommé sans gêne par certains, dissimulé par d’autres, cette poudre d’origine traditionnelle, vantée comme un produit « miracle », est devenu un véritable phénomène social. Mais derrière son apparente innocuité, se cachent des inquiétudes croissantes.
Le poutoulou, également appelé « poudre ankoro », est présenté comme une substance naturelle censée booster la virilité, augmenter l’endurance sexuelle et retarder l’éjaculation chez l’homme. Dans la culture populaire, son usage traduit une pression souvent invisible, mais bien réelle : celle d’assurer, de « tenir longtemps », de prouver sa masculinité.
« Les jeunes viennent en chercher par curiosité ou par complexe. Ils veulent impressionner leurs partenaires », confie un vendeur ambulant de Libreville, sous anonymat, avant de poursuivre, « d’autres, plus âgés, disent que c’est juste pour se sentir rassurés. ». Le poutoulou est devenu, pour beaucoup, un symbole de confiance retrouvée.
Un succès qui cache des risques
Mais cette quête de performance soulève aujourd’hui des interrogations sanitaires. Lors de campagnes de sensibilisation sur la santé masculine, plusieurs professionnels de santé ont alerté sur les dangers liés à l’utilisation non maîtrisée de ce produit, notamment pour la prostate, un organe déjà fragile chez de nombreux hommes de plus de 40 ans.
« Le problème n’est pas le produit en lui-même, mais l’absence totale de contrôle et le surdosage », explique Dr Jean Massande, Chirurgien urologue. « Certains hommes en mettent trop, trop souvent, sans comprendre que cela peut provoquer irritations, troubles urologiques ou complications sur le long terme. », a-t-il ajouté.
À cela s’ajoute l’absence de régulation impossible pour le consommateur de savoir si la poudre achetée est authentique, altérée, ou même contrefaite.
Un débat nécessaire : bannir ou encadrer ?
Face aux inquiétudes, certains appellent à une interdiction pure et simple du poutoulou. D’autres, au contraire, estiment qu’il s’agit avant tout d’un fait de société à accompagner, pas à réprimer.
« Interdire ne ferait que renforcer le marché clandestin », estime Silvestre Ndzamba, sociologue spécialisée en comportements sexuels. « Il faut plutôt informer, sensibiliser, expliquer les risques, et laisser les gens décider en connaissance de cause », a-t-il ajouté.
Un produit populaire, mais totalement hors norme
Alors que son usage gagne du terrain chez les jeunes comme chez les adultes, professionnels de santé et acteurs de la normalisation tirent la sonnette d’alarme : le manque d’encadrement pourrait exposer les consommateurs à des risques difficilement maîtrisables.
« Il n’existe actuellement aucune norme sur la fabrication de ce produit. ». Ce vide normatif signifie qu’aucun standard ne définit sa composition, son procédé de fabrication, ses contaminants possibles ou les tests qu’il devrait subir.
Pour l’AGANOR, cette situation n’est pas sans conséquence. « L’absence d’une réglementation pour un produit ou un secteur peut exposer la population à des risques souvent non maîtrisés »
Les médecins, eux aussi, constatent les effets de cette dérégulation. Irritations, réactions allergiques, complications prostatiques… les cas se multiplient dans l’ombre, alors que les consommateurs utilisent le produit sans réelle information ni précaution.
Avec la multiplication des alertes et l’absence totale de contrôle, le gouvernement pourrait être amené à intervenir. Pour l’instant, le dossier reste ouvert, mais les propos de l’AGANOR montrent qu’un cadre pourrait se dessiner, à condition qu’un besoin officiel soit formulé.
En attendant, les consommateurs évoluent dans une zone grise, entre tradition, recherche de performance et risques invisibles. Le poutoulou n’est plus seulement un aphrodisiaque, c’est désormais un enjeu de santé publique.

