Au Gabon, la lutte contre le VIH progresse, mais certaines situations restent délicates, en particulier pour les femmes enceintes vivant avec le virus. La prévention de la transmission mère-enfant (PTME) constitue un enjeu majeur de santé publique, qui demande non seulement un suivi médical rigoureux, mais aussi un accompagnement psychosocial adapté.
Pour beaucoup de femmes, le diagnostic du VIH survient pendant la grossesse, souvent lors du suivi prénatal. Cette découverte peut être un choc, provoquant peur, stress et anxiété, alors même que la prise en charge rapide est essentielle pour protéger le bébé. « Nous recevons encore trop de patientes qui n’ont jamais fait de test de dépistage, souvent à cause de la peur ou d’un manque d’information », explique Marie-Noelle, sage-femme du Centre hospitalier universitaire de Libreville (CHUL).
« Quand j’ai appris que j’étais séropositive à six mois de grossesse, j’ai eu peur de perdre mon enfant », confie une compatriote sous anonymat suivie dans un centre de traitement ambulatoire (CTA) de Libreville. Comme elle, de nombreuses femmes doivent naviguer entre consultations, traitements antirétroviraux et inquiétudes quant à l’avenir de leur bébé.
Face à ces situations, les équipes soignantes redoublent d’efforts. Le dépistage prénatal et l’accès gratuit aux traitements antirétroviraux permet de réduire considérablement les risques de transmission du virus à l’enfant. Mais ces progrès restent fragiles.
« Nous avons les outils nécessaires pour empêcher la transmission du VIH à l’enfant, mais il suffit d’une rupture de traitement ou d’un dépistage tardif pour compromettre tout le suivi », explique le Dr. Mireille Nguema, médecin coordonnatrice du programme PTME dans une structure publique de Libreville. « Nos progrès sont réels, mais ils restent extrêmement vulnérables ».
Pour les équipes psychosociales, l’impact émotionnel du diagnostic constitue un facteur clé dans la réussite ou l’échec du suivi. « Beaucoup de femmes vivent un véritable choc lorsqu’elles apprennent leur statut en pleine grossesse. Sans accompagnement psychologique, certaines ne parviennent pas à suivre correctement leur traitement, non pas par manque de volonté, mais parce qu’elles sont submergées par la peur et la culpabilité », indique Stéphane Ndong, psychologue clinicien.
« Notre rôle est de les aider à reprendre confiance, à comprendre que le VIH n’empêche pas de donner naissance à un enfant en bonne santé si le suivi est respecté. Mais il faut plus de moyens et plus de personnel pour assurer cet accompagnement de manière continue», a-t-il ajouté.
Pourtant, malgré ces défis, les résultats sont encourageants, lorsqu’un suivi médical est respecté et que les traitements sont administrés correctement, le risque de transmission du VIH de la mère à l’enfant peut être réduit à moins de 2 %. De quoi nourrir l’espoir d’un Gabon où aucun enfant ne naît plus avec le virus.
Mais dans certaines structures, des ruptures ponctuelles de médicaments ou de tests de dépistage surviennent encore, compromettant parfois la continuité du traitement. À cela s’ajoute la charge de travail importante du personnel soignant, en particulier des sages-femmes, souvent en première ligne pour annoncer les diagnostics, rassurer les patientes et assurer leur suivi.
Mais pour atteindre cet objectif, les spécialistes appellent à renforcer le dépistage précoce, sécuriser l’approvisionnement en ARV, et surtout intégrer davantage de soutien psychosocial dans les structures de prise en charge. Car derrière chaque grossesse, chaque diagnostic et chaque traitement, c’est un combat silencieux qui se joue : celui de mères déterminées à offrir à leurs enfants un avenir sans VIH.

