Ce mercredi, dans une vidéo relayée par des médias gabonais, notamment l’Agence Gabonaise de Presse (AGP), l’auteur de l’audio qui fait actuellement polémique pour avoir publié une supposée conversation entre le candidat consensuel de l’opposition à l’élection présidentielle, le Pr Albert Ondo Ossa, et le leader du Rassemblement pour la Patrie et la Modernité (RPM) Alexandre Barro Chambrier, lui-même dans la course à la magistrature suprême s’est dévoilé. Il s’agit de Joël Tatou Bouopda, correspondant de l’Agence France-Presse (AFP) au Gabon. Dans cette vidéo, le journaliste déclare avoir agi pour sauver des vies.
Le journaliste Joël Tatou Bouopda a déclaré dans une vidéo relayée par plusieurs médias gabonais être à l’origine de l’audio qui fait actuellement polémique au Gabon et dans lequel on entend converser deux hommes reconnus à leur voix comme étant les deux membres de la Plateforme Alternance 2023 fomenter un plan pour prendre le pouvoir par la violence. « Je prends la parole pour dire que l’audio qui circule sur les réseaux sociaux en ce moment c’est moi qui l’ai enregistré », avance Joël Tatou Bouopda.
Dans cette vidéo, le journaliste conscient de son agissement explique le bien-fondé de son initiative et le déroulé des faits. « Nous avons été invités le 17 août au siège de RÉAGIR pour faire un reportage sur la désignation du candidat unique d’Alternance 2023 (…) Quand nous sommes arrivés (…), le responsable, porte-parole d’Alternance nous a pris et nous a mis dans une salle. Les membres étaient en conclave dans le salon (…) il y a le président Jean François Obiang qui est venu avec le président Chambrier et le président Ondo Ossa pour nous dire de sortir, car ils devaient se voir à huis clos. Quand ils sont arrivés, nous étions en train de tester le matériel parce qu’on s’attendait à enregistrer dans la salle. On était prêt, le matériel était allumé. On est sortis précipitamment et le matériel qui était allumé dans la salle a enregistré tout ce qu’ils ont dit. Quand je suis rentré à la maison, j’ai commencé à dérusher les images et j’ai entendu quelque chose de très surprenant (…), mais ce qui m’a heurté dans cette situation c’est que j’ai entendu des mots, j’ai entendu la catastrophe et ça m’a posé un cas de conscience. Cette vidéo-là, je l’ai envoyée à des confrères pour qu’ils écoutent ce que j’ai écouté et ça s’est retrouvé sur les réseaux sociaux », explique-t-il.
L’auteur de l’enregistrement polémique déclare avoir agi ainsi pour « sauver des vies ». « Je tenais vraiment à dire que cet enregistrement c’est moi qui l’ai fait par inadvertance. Le fait de l’envoyer à des confrères c’était pour sauver des gens parce que quand ils ont parlé de mort je ne pouvais pas laisser ça (…) si je n’avais pas envoyé ça à des confrères et qu’il y avait des morts je pense que ça m’aurait posé un cas de conscience grave. Je m’excuse si ça a affecté beaucoup de gens, mais ce qui m’a motivé ce sont les morts d’hommes », conclut Joël Tatou Bouopda.
Interrogé sur le sujet le mardi 22 août au journal télévisé de TV5 Monde, le principal adversaire du président sortant Ali Bongo Ondimba pour le poste de président de la République, le Pr Albert Ondo Ossa, a déclaré que cet enregistrement « c’est du trafic » et qu’il existe des nouvelles technologies capables d’imiter des voix. « Je n’ai pas d’autres commentaires parce que précisément c’est du trafic. Il existe aujourd’hui, de nouvelles technologies de communication capables de tout et on a inventé une conversation de toutes pièces en imitant la voix de monsieur Alexandre Barro Chambrier et dans cet audio que moi-même j’ai écouté, on ne m’entend même pas parler », indique le professeur.
Selon Albert Ondo Ossa, cet audio a été réalisé dans l’objectif de nuire à Alexandre Barro Chambrier. « J’ai des raisons de croire que ceci avait été préparé contre Alexandre Barro Chambrier, d’autant qu’il était le candidat le mieux préparé, celui qui a le mieux travaillé sur le terrain et le pouvoir s’attendait à le voir candidat et s’est préparé à le dénigrer. Ce n’est pas chose et ça ne permettra pas au pouvoir de se maintenir parce qu’il va être battu et nous gagnerons », a affirmé le candidat consensuel de l’opposition.
Invité à se saisir de cette affaire par la Plateforme Alternance 2023, le procureur de la République André Patrick Roponat a annoncé, mardi soir au cours d’une allocution télévisée, l’ouverture d’une enquête. « Depuis 24h, un enregistrement audio circule avec insistance sur les réseaux sociaux au Gabon, il provoque une très vive émotion en raison de son contenu choquant à plus d’un égard. Cet enregistrement d’une vingtaine de minutes serait une conversation entre deux hommes politiques candidats à l’élection présidentielle du 26 août prochain. Dans cette conversation, il est tenu à plusieurs reprises des propos particulièrement graves qui laissent présager une atteinte à la sûreté de l’État. Eu égard à ce qui précède et concomitamment au communiqué de la plateforme Alternance 2023 daté du 21 août 2023, le parquet de la République a ouvert une enquête, a déclaré le procureur de la République.
Suite à la publication lundi soir de cet enregistrement, la Plateforme Alternance 2023 s’est fendu d’un communiqué mardi dans lequel elle « dénonce avec la plus grande fermeté ce montage éhonté qui met à nu une fois de plus les pratiques inacceptables de ce régime », souligne la coalition.
Selon la Plateforme Alternance 2023, cet audio est le fruit d’une intelligence artificielle et non d’une réelle conversation entre les deux hommes politiques. « La Plateforme Alternance 2023 dément catégoriquement la véracité et l’authenticité de cette conversation qui n’a en réalité jamais eu lieu, et qui n’est rien d’autre qu’une utilisation infâme de l’intelligence artificielle », indique le communiqué.
Pour la première fois de leur histoire, quelque 800 000 électeurs gabonais sont attendus aux urnes le samedi 26 août 2023, pour voter dans le cadre de trois scrutins : présidentiel, législatif et local.