C’est au Palais de justice de Libreville qu’a eu lieu, ce mardi 11 novembre 2025, la deuxième journée du procès de Sylvia Marie-Aimée Bongo Ondimba Valentin et de son fils Nourredine Bongo Valentin. Une audience très attendue, suivie par un public nombreux venu assister à ce procès historique, mêlant rigueur judiciaire et pression politique.
Les débats ont porté sur les accusations de détournement de fonds publics, blanchiment de capitaux, faux en écriture, corruption active, usurpation de titre et association de malfaiteurs. Ces infractions auraient été commises durant les dernières années de la présidence d’Ali Bongo Ondimba, au moyen d’un réseau parallèle de gestion des finances publiques.
Dès l’ouverture de la séance, le procureur a rappelé que trois témoins devaient être entendus afin d’étayer les charges retenues contre les membres de l’ancienne famille présidentielle. Finalement, seuls deux témoins ont été auditionnés, la Cour jugeant inutile d’entendre le troisième, leurs dépositions étant jugées similaires.
Les révélations de Kim Oun, ancien chargé du protocole de la Première dame
Le premier témoin, Kim Oun, ancien chargé du protocole civil de Sylvie Bongo Valentin, a reconnu avoir été le gérant de deux sociétés écrans : une société civile immobilière (SCI) basée au Gabon et une autre chargée de la gestion des résidences londoniennes de l’ex-Première dame.
Il a toutefois affirmé n’avoir jamais eu accès aux comptes de ces sociétés ni perçu de fonds publics. Selon lui, lors du « coup de libération » du 30 août 2023, plusieurs milliards de francs CFA auraient été retrouvés dans ses bureaux situés à Batterie 4, argent qui appartenait à l’ex-première dame.
Kim Oun a également révélé qu’avant la maladie d’Ali Bongo, il percevait un salaire de 2 200 000 F CFA par mois, augmenté à 10 millions F CFA après l’accident vasculaire cérébral (AVC) de l’ancien président, « sur ordre de Nourredine Bongo Valentin ».
Selon le témoin, Sylvie Bongo avait entre 400 et 500 millions de FCFA par mois comme argent de poche, et ses dépenses annuelles en bijoux, vêtements et accessoires avoisinait les deux milliards de FCFA. Il a de plus précisé que la famille possédait deux avions, dont l’un était loué à l’État gabonais pour leurs déplacements personnels, à hauteur de 250 millions de FCFA par mois.
Enfin, il a évoqué de nombreuses propriétés appartenant aux Bongo Valentin à travers le monde. Une révélation qui n’a pas manqué de susciter des réactions. « Quand à cette époque l’État gabonais n’avait pas de compagnie aérienne, Noureddine et sa mère étaient propriétaires de deux avions » s’est indigné un juriste présent lors de l’audition du témoin.
Jordan Camuset, ami d’enfance de Nourredine Bongo Valentin et témoin-clé
Le second témoin, Jordan Camuset, présenté comme un ami d’enfance de Nourredine Bongo, a affirmé avoir régulièrement retiré des devises étrangères auprès du Trésor public entre 30 000 et 60 000 euros par déplacement pour financer les voyages à l’étranger du fils de l’ancien président.
Il a déclaré que Nourredine Bongo Valentin était propriétaire de plusieurs biens immobiliers, acquis dès 2019, après l’AVC de son père. Durant cette période, Nourredine aurait pris le contrôle effectif du pouvoir, donnant des instructions à certains membres du gouvernement en commençant systématiquement par la phrase :« Papa a dit… » afin que ces derniers exécutent sans poser de questions à ses ordres.
Camuset a également indiqué que son salaire mensuel était de 1 000 000 FCFA en 2017 et est passé à 5 000 000 F CFA en 2021, une fois encore « sur ordre de Nourredine ». La Cour a par ailleurs relevé qu’il est le signataire de l’acte de cession d’une parcelle de plus d’un million de m2 et d’une valeur de 60 milliards de FCFA cédé par GZEZ a une SCI appartenant à Noureddine Bongo Valentin. Ce qu’il dit avoir fait sans avoir lu attentivement les documents. Il a également évoqué le caractère autoritaire et parfois discourtois de son ancien ami.
Un procès symbolique pour la justice gabonaise
Ce procès, tenu sous contumace contre Sylvia Bongo Ondimba Valentin et son fils Nourredine, est perçu comme un tournant historique pour la justice gabonaise, déterminée à affirmer son indépendance « Quand j’ai entendu toutes les sommes faramineuses qu’ils détournaient rien que pour leurs besoins personnels, je me rends compte qu’ils n’ont jamais aimé le peuple gabonais » s’est indigné Timothé, un riverain venu assister à procès qu’il a dit être « historique ».
Le plaidoyer des avocats de la partie civile
Lors des plaidoyers des avocats de la société civile, plusieurs faits graves ont été rappelés à l’assistance concernant les agissements présumés de Sylvia Marie-Aimée Bongo Valentin et de Nourredine Bongo Valentin. Entre 2016 et 2021, plusieurs accusations graves ont été évoquées contre Sylvia Bongo et Nourredine Bongo Valentin.
- Près de 20 milliards FCFA auraient été prélevés des comptes publics pour entretenir les villas de Sylvia Bongo.
- Nourredine Bongo détiendrait 45 entreprises et aurait possédé 1 035 milliards FCFA sur un compte aux îles Caïmans.
- En tant que Coordonnateur général des affaires présidentielles (CGAP), il aurait perçu un salaire mensuel de 2.700.000 FCFA et un bonus annuel de 100 millions.
- La SCI familiale compterait 33 titres fonciers, et Sylvia Bongo posséderait 25 sociétés civiles immobilières.
Plusieurs transactions non justifiées ont été relevées :
- 6 milliards dans un compte à la BGFIBank
- 4 milliards dans un autre compte à la BGFIBank
- 386 milliards transferts à l’étranger
- 8 milliards supplémentaire à l’étranger.
- 47 milliards à l’Union gabonaise de banque (UGB)
- 263 milliards pour un logement à Paris présenté comme annexe de l’ambassade du Gabon.
Les deux seraient associés dans diverses sociétés (Ruban Vert, For Afrique Energy, Be and Are Entreprise, etc.), détiendraient aussi deux puits de pétrole, 30 % de Sobeleco (eau minérale Andza) et un portefeuille de 13 sociétés de participation dans le BTP et la restauration. Enfin, il a été rappelé que Nourredine Bongo aurait déclaré ne s’être « jamais senti Gabonais » lors d’une interview, les avocats civiles ont d’ailleurs pris ces propos pour justifier les agissements répréhensibles de ce dernier.

