Alors que les cancers féminins font encore trop de ravages au Gabon, les communautés religieuses prennent une place prépondérante dans la sensibilisation, le dépistage et l’accompagnement des malades. Les églises et les leaders spirituels deviennent des relais de santé publique essentiels, mariant croyance et médecine pour sauver des vies et briser les tabous qui entravent la prise en charge.
Dans les églises, les temples initiatiques, les paroisses de l’intérieur du pays tout comme celles du grand Libreville, le message que l’on entend est quasi le même. Les leaders de ces lieux rappellent aux populations à avoir des attitudes préventives. « Lors des homélies, les prêtres nous recommandent d’aller nous faire dépister afin stopper les maladies », a déclaré Andong Essone Marlyne Stella, paroissienne à saint Charles Lwanga d’Oyem.
Longtemps cantonnée à un rôle spirituel, la religion se présente aujourd’hui comme un levier puissant dans la lutte contre les cancers féminins, en particulier ceux du sein et du col de l’utérus. « Pendant de la phase des annonces durant les messes à l’église, certains membres de notre paroisse qui sont du corps médical nous demande d’aller nous faire dépister » a déclaré Nyiare D’avida Flora paroissienne à saint Charles Lwanga d’Oyem.
Au ministère prophétique les héros de la cité céleste sis à Essassa, les leaders du groupe des femmes de cette assemblée, ont récemment eu une réunion féminine pendant ces dernières en ont profité pour avoir des échanges autour de la santé des femmes. « Les questions de santé sont abordées au sein de notre assemblée et nous sensibilisons à ne pas ignorer ces fléaux, car notre rôle est aussi celui d’éduquer et d’éveiller la conscience de chaque femme», a déclaré Anaelle Leboueny, épouse Mouketou, pasteur et responsable adjoint du département des Femmes engagées en Christ (FEEC).
Même son de cloche dans les temples traditionnels, qui ne sont pas en marge de la sensibilisation contre les cancers féminins. Tah Mombo, chercheur praticien bwitiste affirme ceci : « selon mon point de vue et en me référant à nos devanciers, je dirais que certaines pratiques modernes ont contribué à l’accélération de ces maladies, c’est pour ça que lors de mes entretiens je prône pour un retour à l’hygiène et habitudes ancestrales ». De telles initiatives contribuent grandement à un éveil de conscience et peuvent sauver des vies. Ce discours, relayé en masse et dans les cercles communautaires, contribue à lever les tabous liés à la maladie et à encourager l’action.
Ce rôle actif des religions et des rites traditionnels n’a rien d’anodin. Les leaders de ces entités bénéficient d’une forte légitimité sociale. Leur parole touche des femmes et aussi des hommes, souvent éloignés du système de santé ou méfiants vis-à-vis des campagnes officielles. « Après une veillée d’initiation, notre mère (initiatique) nous a parlé des cancers féminins en nous disant que nous devions prendre conscience, car ça n’arrive pas qu’aux autres et qu’il faut que l’on se rende dans les structures sanitaires pour se faire dépister » a déclaré Irène Ntsono. Leur capacité à intégrer des messages de santé dans les prêches, les réunions traditionnelles ou les groupes de prière élargissent considérablement l’impact des actions de prévention.
Néanmoins, des résistances culturelles demeurent, y compris dans certains cercles religieux. Le cancer reste parfois perçu comme une punition divine, ou comme une conséquence de pratiques mystiques. « On avait lancé le cancer mystique à ma grande sœur après le décès de notre père parce qu’elle avait osé défendre notre héritage » a révélé Paul Mbadinga, un compatriote. Dans ce contexte, certaines femmes préfèrent encore se tourner vers des traitements spirituels ou traditionnels, retardant leur prise en charge médicale.
Au Gabon, la lutte contre les cancers féminins ne se mène plus uniquement dans les hôpitaux : elle passe aussi par les églises, les temples et les maisons de prière. Dans un pays où la foi structure largement le quotidien, les leaders religieux et traditionnels apparaissent comme des alliés naturels et puissants. À condition d’unir la science et la spiritualité, cette alliance pourrait bien sauver des milliers de vies.