La prise du pouvoir par le Président de la République, Chef de l’Etat, Brice Clotaire Oligui Nguema le 30 aout 2023 s’est justifiée, en partie, par la volonté de dépersonnaliser notre système électoral pour le rendre plus démocratique. L’un des acquis de la période de transition du CTRI reste le nouveau Code Electoral (Loi organique n° 001/202 du 19 janvier 2025 portant Code Electoral en République Gabonaise). L’élection présidentielle d’avril 2025 a eu lieu sur la base de cette loi électorale et elle a été saluée par le monde entier du point de vue de sa transparence, de sa crédibilité et de sa cohérence.
Faisant suite à l’élection présidentielle, les élections locales et législatives couplées qui ont eu lieu le 27 septembre 2025 sont le contraire de l’élection présidentielle d’avril 2025 compte tenu de nombreux dysfonctionnements observés et qui emmènent les autorités en charge des élections (Ministère de l’Intérieur et l’Autorité de Contrôle des Elections et du Référendum (ACER) de demander l’annulation la reprise du vote dans 8 circonscriptions électorales ( 1er et 2ème Arrondissement de Ntoum (Estuiare) Département de Léconi-Lekori (Haut-Ogooué) Département de la Douigny (Nyanga), Départements de la Lombo-Bouenguidi et Mulundu (Ogooué-Lolo), Département du Haut-Ntem (Woleu-N’tem), 2ème siège de la diaspora dans la zone Europe-Asie-Océanie.
Avant de se rendre à la 80ème Assemblée des Nations Unies, le Président de la République Chef de l’Etat, Brice Clotaire Oligui Nguema a dit : « Je tiens à souligner que ces élections se dérouleront dans la transparence à l’image des élections présidentielles d’avril 2025…Ensemble faisons de ce 27 septembre un nouveau témoignage de notre maturité démocratique… ». Ce passage revêtait le caractère d’une invitation pour les populations et les candidats à observer un comportement exemplaire et d’une instruction pour les autorités en charge des élections de rendre ces élections crédibles. En prononçant ces propos avant de s’envoler pour New-York, le Président de la République entendait donner des gages aux communautés nationale et internationale car c’est sur cette transparence électorale que le Gabon est en train de construire sa réputation de pays en plein processus de démocratisation. Ce qui contraste avec une certaine pensée commune qui veut le rendre responsable des dysfonctionnements constatés car il ne peut pas saper les bases de ce qui fait sa réputation de démocrate et qui lui ouvre plusieurs portes dans le monde.
Comment alors comprendre de tels dysfonctionnements dans cette organisation des élections législatives et locales couplées de septembre 2025 ?
Organisation et incivisme
Interrogé sur la nature des incidents qui ont émaillé le vote, le Président de l’ACER a précisé qu’ils : « relèvent davantage de défaillances organisationnelles et de comportements individuels répréhensibles que d’une volonté coordonnée de fraudes électorales ». Pour préciser les propos du Président de l’ACER, un Président d’une Commission Locale affirme : « Par défaillances organisationnelles, il faut entendre par exemple le manque d’isoloir, l’absence de listes d’émargement, des isoloirs récupérés à quelques heures de l’ouverture des bureaux de vote…Tout cela était dû à un retard de livraison ». Quant aux incivismes, elles ont consisté en des « menaces, casses des chaises, cris, séquestrations des commissaires, diffamations et désinformations », poursuit le même responsable.
Ces questions d’organisation qui ont toujours touché toutes les élections politiques au Gabon et qui renvoie le plus souvent à une organisation logistique peuvent s’expliquer par les distances à parcourir pour pourvoir les commissions électorales ou les bureaux de vote en kits électoraux, l’état du réseau routier, la navigation fluviale, parfois nocturne…En cela, il est indéniable que la route devient un élément important de la démocratie. Ces problèmes structurels sont des problèmes de l’Etat gabonais qui n’est pas né au 30 août 2023 mais bien avant.
En dehors de la question financière, au centre de toute organisation, une meilleure concertation et une meilleure coordination des institutions en charge des élections viennent plus facilement à bout de ces défauts organisationnels qui ont par exemple montré le cafouillage dans la proclamation des résultats.
Types d’élections et types d’intérêts
L’élection présidentielle s’est bien déroulée, au point d’être saluée par l’international, en partie, parce que le peuple gabonais avait un objectif commun : faire tomber le pouvoir Bongo, incarné par la « Young Team » en août 2023. L’objectif étant commun, les intérêts ont convergé vers cet objectif. Aux élections locales et législatives, chacun voulant obtenir soit le poste de Député, soit le poste de Maire ou de président du Conseil Départemental, ajouté à la pluralité des partis politiques et candidats indépendants en compétition, les attitudes ne sont plus les mêmes. La poursuite de ces postes de pouvoir a aiguisé les appétits au point de mettre en difficulté la cohésion des élections présidentielles d’avril 2025. Parfois, au mépris de la loi, de nombreuses irrégularités ont pu être observées, comme le montrent certaines vidéos sur les réseaux sociaux devenues virales et comme l’atteste les propos du Président de l’ACER, citées plus haut. Ces intérêts personnels, parfois familiaux, montrent des querelles intestines latentes et qui se manifestent lors des élections avec la manipulation que tout cela peut engendrer. Les élections locales et législatives deviennent des moments où des candidats en compétition, de bords politiques différents mais d’une même famille se règlent des comptes. Ce qui fait des problèmes de la sphère domestique finissent par entacher d’irrégularités des processus nationaux.
La fraude électorale : un fait social et difficultés à reprendre le vote sur toute l’étendue du territoire
Loin de l’idée d’excuser la fraude électorale, surtout lorsqu’elle est de nature à changer le sens des résultats du vote, mais la fraude électorale puise ses racines dans la société de façon générale. De la « pompe » à l’école par l’élève, en oubliant pas le népotisme, le clanisme, le favoritisme dans le milieu professionnel, sans oublier les préférences qui avantagent certains et défavorisent d’autres au niveau familial, la fraude est à tous les étages. La fraude électorale n’est donc que le reflet de la fraude sociale.
En outre, étant un fait social, la fraude électorale est universelle (France 1997 avec les électeurs fictifs) et USA (2000 et 2004, avec les machines à voter), pour ne citer que les vieilles démocraties, elle reflète toujours l’état d’avancement d’une société dans son rapport à la vérité et, c’est pourquoi son étendue dépend toujours des sociétés et des mécanismes mis en place pour la faire reculer.
Enfin, étant un phénomène social, elle donc un phénomène historique. Pour rappel en 2006, lors des élections législatives au Gabon, la Cour Constitutionnelle avait invalidé le vote de 20 sièges ou circonscriptions sur les 120 au total de l’époque.
Sans demander de faire reprendre l’élection sur tout le territoire, le vote fut repris dans les circonscriptions querellées. Nul n’est donc besoin de faire reprendre le vote sur toute l’étendue parce que toutes les circonscriptions ne sont pas concernées par ces irrégularités et, ce sens, il faut saluer l’esprit démocratique de ces zones. La difficulté de faire reprendre l’élection sur toute l’étendue du territoire tient aussi à l’impact financier d’une telle organisation.
Le contentieux électoral élément du système électoral
Lorsque des irrégularités sont constatées et prouvées, loi électorale permet d’ouvrir un contentieux. Depuis le 23 avril 2023, les nouvelles autorités politiques sont sensibles aux revendications sociales et ne les rejette pas d’un revers de la main comme on l’observait dans le passé. Des discussions sur le Dialogue National Inclusif, jusqu’à la discussion sur la nouvelle Constitution de la République, de façon générale, les nouvelles autorités ont toujours pris en compte « la voie du peuple ». Pour le cas d’espèce, la réception du Ministre de l’Intérieur par le Président de la République, Chef de l’Etat au Salon d’Honneur de l’Aéroport International Léon Mba à propos de ces élections, les déclarations du Ministre de l’Intérieur et celle du Président de l’ACER en faveur de la reprise du vote dans certaines circonscriptions électorales augurent de la volonté d’ouvrir des contentieux pour réparer ce qu’il y’a lieu d’être.
Le système électoral ne s’arrête donc pas avec les votes, il se poursuit avec le contentieux (art. 312-373 du Code Electoral). Aux candidats plaignants de savoir monter un dossier ou de s’entourer d’un avocat. Ces opérations de mandent une préparation minutieuse.
Amélioration de notre système électoral et application du code électoral
La bonne tenue des élections du référendum constitutionnel du 16 avril 2024 et de l’élection présidentielle du 12 avril 2025, n’ont fait qu’occulter les problèmes de notre système électoral mais ne les ont pas effacés. Les irrégularités constatées durant ces élections couplées doivent être consignées pour améliorer notre dispositif électoral. Depuis 1990, date de retour au multipartisme, les élections politiques au Gabon ont toujours été émaillées d’irrégularités. Ces irrégularités ont, souvent entrainé des contestations et des prises en compte qui ont considérablement amélioré notre loi électorale, comme l’atteste la Mission d’Observation de l’Union Africaine à l’Election Présidentielle du 12 avril 2025 en République Gabonaise (pp.2-3). La formule peut paraitre provocatrice mais la fraude et les irrégularités font évoluer la loi électorale. C’est en corrigeant ces irrégularités que la loi évolue. Les irrégularités constatées, en ces élections locales et législatives couplées, doivent faire l’objet de discussions constructives.
Nous avons un nouveau code électoral issu de longues discussions qui donne un cadre normatif. L’application de ce cadre normatif nous mettrait, pour une bonne partie, à l’abri des tensions personnelles, ethniques, politiques qui pointent au sortir de ces élections couplées et qui, si on n’y prend garde, peuvent saper notre vivre-ensemble. Ā ce propos, le Président de la République, Chef de l’Etat exhorte les populations gabonaises à être vigilantes face aux démons de la division qui pourraient saper la nouvelle trajectoire prise par le Gabon.
La question la plus importante, à notre humble avis, est de savoir comment faire pour faire appliquer ce nouveau cadre normatif et éviter les tensions que nous connaissons actuellement ?
S’il n’est pas facile de répondre à une telle question et même d’y avoir une réponse qui mette tout le monde d’accord, nous pensons que le fait que l’espace politique, espace majoritaire de subsistance, fait que les intérêts et les conflits y soient nombreux et virulents. Autrement dit, l’espace politique ne doit plus être cet endroit unique qui assure la réussite sociale. Il nous faut construire un pays où chacun puisse vivre de façon décente de son métier. La course à la réussite sociale par le seul canal de la politique aiguise les envies, les appétits, les rancœurs, les jalousies, les roublardises. La construction d’une véritable classe économique et ses sous-groupes va diversifier les sources d’enrichissement et contribuer à pacifier l’espace politique. C’est le sens profond pris par le Président de la République Chef de l’Etat, Brice Clotaire Oligui Nguema, lorsqu’il lance l’industrialisation et la souveraineté de l’économie gabonaise.
Autre chose, la perte d’une fonction politique ou de toute autre fonction administrative ne doit pas être synonyme d’une déchéance sociale. L’on peut bien perdre une fonction et continuer à vivre décemment en ayant une autre activité bien rémunéré.
Pour conclure, la construction de notre système électoral passe par l’honnêteté des citoyens chargés de respecter les normes mais cette honnêteté est elle-même est bâtie sur une meilleure redistribution des ressources nationales les mettant à l’abri des convoitises.
Dr Fortuné Matsiegui Mboula