Depuis plusieurs années, un nombre croissant d’enfants se retrouvent confiés uniquement à leurs grands-parents, souvent sans encadrement suffisant, en raison de parents absents ou négligents. Un phénomène qui, au-delà des liens familiaux, met en lumière une certaine démission parentale, mais aussi les défis de la parentalité et les risques pour le développement des enfants.
Dans plusieurs régions du Gabon, des enfants de tous âges, parfois des nourrissons, vivent sous la seule responsabilité de leurs grands-parents. Pour certains parents, la décision est motivée par des contraintes économiques, l’emploi ou des choix personnels, mais dans de nombreux cas, il s’agit d’un véritable désintérêt pour le rôle parental. « Ma nièce est allée abandonner son bébé chez sa mère à Essassa pour mener la grande vie à Libreville tandis que son enfant meurt de faim ici », a révélé Alida Ngomo commerçante
Si la parentalité n’est jamais simple et que nul ne naît véritablement prêt à l’être, elle implique néanmoins une responsabilité fondamentale : celle d’assurer une présence, un encadrement et un suivi constants pour le bon équilibre des enfants. Or, de plus en plus de parents (pères comme mères) délèguent cette mission à leurs propres parents, laissant les grands-parents assumer seuls le rôle éducatif. Dans ces foyers, les enfants, souvent traités en véritables « pachas », échappent à toute rigueur éducative, tandis que leurs parents mènent leur vie comme s’ils n’avaient aucune charge, au grand dam de ces aînés fatigués qui tentent tant bien que mal de combler le vide laissé par cette démission silencieuse.
Cette délégation systématique de la garde met en difficulté les grands‑parents, souvent déjà fragiles sur le plan physique et financier, qui peinent à assurer l’éducation, la santé et la sécurité des enfants.« Ma condition physique ne met permet plus d’être plus d’avoir la même rigueur avec laquelle j’ai élevé mes enfants » a révélé Mami Yoyo, grand-mère à la retraite
Plusieurs facteurs expliquent cette situation. D’une part, l’absence ou la négligence de certains parents, qui considèrent la responsabilité de leurs enfants comme secondaire et se détournent de leurs obligations. D’autre part, les difficultés économiques poussent certains parents à confier leurs enfants aux grands-parents afin de pouvoir travailler ou poursuivre d’autres projets personnels. Enfin, les recompositions familiales, comme les séparations ou les mariages, entraînent parfois l’éloignement des enfants de leurs parents.« Certaines femmes sont contraintes de cacher l’existence de leurs progénitures parce que les hommes d’aujourd’hui ne veulent plus s’engager avec des mères célibataires », déclare Cyntiche Mbega étudiante à l’Université Omar Bongo.
Cette pratique peut avoir des conséquences lourdes sur le plan émotionnel et éducatif pour l’enfant : manque d’accompagnement scolaire, instabilité affective, précarité matérielle et exposition à divers risques. « Après le décès de mon père, ma mère m’a confiée à ma grand-mère paternelle et est repartie refaire sa vie à l’intérieur du pays, il est vrai que cette dernière s’occupe bien de moi, mais ma mère me manque et c’est pour ça que je fume le cannabis pour me vider les idées » a déclaré (prénom d’emprunt, élève au lycée technique de Bikélé arrêté pour possession stupéfiants)
L’abandon des enfants chez les grands-parents n’est pas seulement un phénomène social : c’est un signal d’alarme sur la fragilité de certains foyers. Pour protéger les enfants et garantir leur développement, il est indispensable que les parents assument pleinement leurs responsabilités et que l’État et la société soutiennent les familles confrontées à ces situations.

