Alors que le législateur gabonais n’a pas encore fini de régler les problèmes liés à la reconnaissance légale du mariage coutumier, un autre phénomène s’ajoute à l’équation depuis plusieurs années : celui des adeptes du « viens, on reste ». Pour ces couples, les administrations gabonaises mettent à disposition un document appelé certificat de concubinage, ou attestation de vie commune. Délivré par les mairies à des couples vivant en union libre, ce document intrigue autant qu’il interroge. A-t-on vraiment besoin d’un certificat pour prouver que l’on vit ensemble ? Et à quoi sert-il, dans un pays où les lois sur le couple sont encore largement centrées sur le mariage civil ?
Au Gabon, le mariage civil et le mariage coutumier restent les formes d’union les plus reconnues. Pourtant, de nombreux couples ont fait le choix de vivre ensemble sans passer par les formalités d’usage, à savoir, passer devant le maire ou se présenter chez le chef de famille pour s’acquitter de la dot. « Pour avoir accès à ce document, il n’y a pas de condition à part le fait de vivre dans un domicile commun, sans même que des vérifications ne soient faites », a déclaré Me Charmelle Mfoumboulou, juriste d’entreprise. Dans ce contexte, certaines mairies du pays ont emboîté le pas et ont commencé à délivrer des certificats de concubinage, souvent sur simple demande, accompagnée d’un justificatif de domicile commun et d’une déclaration sur l’honneur.
Contrairement à un acte de mariage, le certificat de concubinage n’a aucune valeur juridique claire au Gabon. « Vu qu’il n’y a pas de texte qui le prévoit, il n’y a pas de condition à son établissement, à part le fait de vivre dans un domicile commun », a rappelé Me Charmelle. Il n’est inscrit dans aucun texte de loi et n’offre aucune protection légale aux concubins en cas de séparation, de décès ou de litige. « Le certificat de concubinage, encore appelé certificat de vie commune, est un document délivré par certaines mairies pour attester qu’un couple vit en union libre. Ce certificat ne crée pas de droits pour les personnes concernées par le concubinage », a révélé Me Mfoumboulou. Il ne génère aucun droit au partage des biens, aux pensions alimentaires, ni à la succession.
Alors, à quoi sert-il ? Pour certains couples, il s’agit d’un acte symbolique, une façon de formaliser leur relation dans un pays où le mariage reste une norme sociale forte. Pour d’autres, c’est une pièce de plus à fournir dans les méandres de l’administration. « Quand j’ai fait ma demande de visa court séjour pour la France, j’avais joint mon certificat de concubinage. On m’avait dit que ça montrerait que j’étais dans une relation stable et que je n’allais pas disparaître une fois arrivée », a confié Sabine, en instance de départ.
En réalité, ce document ne garantit rien : il ne donne droit à aucuns droits sociaux, à aucune couverture médicale, et encore moins à l’accès au patrimoine en cas de décès de l’un des concubins. « Comprenez bien que le certificat de concubinage n’a aucune force juridique. Lorsque deux personnes sont en union libre, elles n’ont qu’une obligation d’assistance mutuelle en cas de maladie, et ce, sous certaines conditions, comme le stipule l’article 380 du Code civil gabonais », a précisé la juriste. Ce certificat a vocation à rassurer ses détenteurs, mais ne les protège en rien dans les faits.
La société gabonaise, marquée par un véritable changement de mentalité, se heurte à des lois qui, elles, sont restées figées dans le temps. Le certificat de concubinage évolue donc dans une grande ambiguïté. N’ayant aucune valeur juridique, il n’a pas d’impact réel aux yeux de la loi gabonaise. Trop faible pour être protecteur, trop présent pour être ignoré, il s’impose comme une solution bricolée face à des réalités modernes que le droit gabonais peine encore à encadrer.