Le Syndicat des travailleurs des industries minière et métallurgique (STRIMM) a réagi avec fermeté aux propos de Christel Bories, présidente du conseil d’administration du groupe ERAMET, lors de son passage dans l’émission Ecorama sur Boursorama.
Dans un droit de réponse sans équivoque, signé par son Secrétaire général Joscelain Lebama, le syndicat condamne ce qu’il considère comme une remise en question « condescendante » de la décision souveraine du Gabon d’interdire l’exportation du manganèse brut à compter du 1er janvier 2029.
Le 30 mai dernier, le gouvernement gabonais a en effet acté une mesure stratégique : l’arrêt des exportations de minerai brut, en vue de favoriser sa transformation locale. Une ambition saluée par les acteurs nationaux mais accueillie avec scepticisme par la patronne d’ERAMET. Sur le plateau d’Ecorama, Christel Bories a notamment mis en doute la capacité du Gabon à mettre en place les infrastructures nécessaires à cette industrialisation, citant des « limites énergétiques » et allant jusqu’à suggérer que le pays risquait de « se tirer une balle dans le pied » avec une telle politique.
Pour le STRIMM, ces propos traduisent une vision dépassée et néocoloniale des rapports économiques entre multinationales et pays africains. « Ce ton condescendant n’est ni acceptable ni constructif », affirme le syndicat, rappelant qu’ERAMET opère depuis plus de 30 ans au Gabon et a largement profité de ses ressources naturelles. Le syndicat dénonce une logique extractive qui voudrait maintenir le pays dans un rôle de fournisseur brut, au détriment de son développement industriel.
Dans sa déclaration, le STRIMM réaffirme que le Gabon, sous l’impulsion de Brice Clotaire Oligui Nguema, s’est engagé dans une dynamique « irréversible » de transformation locale. Il s’agit notamment de créer de l’emploi qualifié pour les gabonais, de développer la maîtrise des compétences techniques et de capter davantage de valeur ajoutée, aujourd’hui largement délocalisée vers les pays importateurs.
Face à cette orientation souveraine, le syndicat somme ERAMET de clarifier sa position : ou bien le groupe s’aligne sur la stratégie gabonaise en investissant concrètement dans la transformation locale du manganèse, ou bien il devra « céder la place » à d’autres opérateurs, africains ou internationaux, disposés à bâtir un partenariat équitable avec le peuple gabonais. « Il ne peut plus être question de concessions exploitantes ou de simples déclarations d’intention », tranche le STRIMM, qui appelle à des engagements clairs, immédiats et mesurables.
Ce bras de fer entre le STRIMM et la direction d’ERAMET dépasse le cadre d’un différend ponctuel. Il illustre une reconfiguration plus large du rapport entre les États africains et les multinationales, dans un contexte où plusieurs pays du continent à l’image de la RDC avec le cobalt ou du Zimbabwe avec le lithium imposent désormais des mesures contraignantes pour transformer localement leurs ressources. Deuxième producteur mondial de manganèse, le Gabon entend sortir du modèle extractif pour devenir un acteur industriel à part entière.