Depuis plusieurs mois, les délestages à répétition asphyxient le Grand Libreville et ses environs, impactant lourdement populations et entreprises. Dans ce contexte, les opérateurs économiques du secteur numérique sont les plus touchés, mettant ainsi en péril leurs activités.
Si les nombreux délestages affectent tous les secteurs, les entrepreneurs du numérique se retrouvent particulièrement vulnérables. Dépendants d’une connexion internet stable et d’un accès continu à l’électricité, ils voient leurs activités freinées par des coupures intempestives. Face à cette réalité, ils s’adaptent tant bien que mal, jonglant entre onduleurs, groupes électrogènes et espaces de coworking équipés, bien que ces solutions restent coûteuses et loin d’être durables.
Selon le ministre de l’Énergie, Séraphin Akure Davain, lors de sa conférence de presse du 4 février dernier, la situation actuelle est le résultat d’années de négligence et d’un manque criant d’investissements dans le secteur. Des projets énergétiques annoncés avec fracas, mais jamais réalisés, comme le « barrage hydroélectrique FE2 sur la rivière Okano ou l’exploitation des chutes de l’Impératrice ont laissé le réseau électrique en sous-capacité ».
À cela s’ajoute une infrastructure vétuste et mal entretenue. « Nos équipements ne sont pas renouvelés, nous avons laissé notre système vieillir jusqu’au point de rupture », avait reconnu le membre du gouvernement. Résultat : une production insuffisante, un réseau saturé et des coupures devenues quasi quotidiennes.
Les entrepreneurs du numérique, premières victimes
Dans un pays où le digital est en pleine expansion, ces coupures d’électricité ne sont pas qu’un simple désagrément : elles compromettent la productivité des entreprises et freinent leur croissance. Développeurs, graphistes, créateurs de contenu, community managers… tous témoignent de la difficulté de travailler dans ces conditions.
« D’un point de vue administratif, les services auprès desquels nous sommes censés nous rendre pour faire le bilan des impôts n’ont pas de courant. Ainsi, quand nous nous y rendons pour finaliser les procédures administratives, nous faisons chou blanc. Les nombreux délestages ralentissent le travail de près de 60 % », déplore Karl, entrepreneur web. « Pour nos visioconférences, nous devons systématiquement prévoir un plan B, sinon nous passons pour des amateurs face à nos clients étrangers », ajoute Claire, entrepreneure dans le marketing digital.
Certains trouvent des alternatives, comme se rendre dans des hôtels ou des restaurants équipés de générateurs, tandis que d’autres investissent dans des solutions coûteuses. « J’ai dû acheter un onduleur haut de gamme et un petit générateur. Rien que le carburant me coûte une fortune chaque mois et, parfois, le temps d’aller démarrer le groupe, la personne raccroche tant elle s’impatiente », raconte Serge, gérant d’une start-up spécialisée dans la création d’applications mobiles.
Le secteur des fintechs est également en difficulté. Avec des terminaux de paiement et des plateformes nécessitant une connexion permanente, les coupures d’électricité entraînent des interruptions de service. « J’ai voulu commander un véhicule pour aller à un rendez-vous ; malheureusement, entre la coupure et la latence des données mobiles, j’ai dû me résoudre à ne pas sortir », regrette Kevin, fondateur d’une plateforme e-commerce locale.
Des solutions pour sortir de l’impasse
Conscient de l’urgence, le gouvernement a annoncé plusieurs mesures immédiates. L’État a notamment procédé à l’achat de deux groupes électrogènes pour renforcer la production d’électricité dans les zones les plus touchées. De plus, un accord a été signé avec l’entreprise turque Karpowership pour la location de barges énergétiques capables d’injecter rapidement de l’électricité dans le réseau national.
À moyen et long terme, le gouvernement prévoit également d’accélérer la construction du barrage de Booué et de moderniser les infrastructures de transport et de distribution de l’électricité. Mais en attendant, les entrepreneurs du numérique doivent encore s’adapter et trouver par eux-mêmes des solutions, dans une situation qui met à rude épreuve la résilience de tout un secteur.