Au Gabon, les familles recomposées sont devenues une réalité de plus en plus courante qui pourrait placer parfois les enfants au cœur d’un système fragile. Un nombre croissant de cas de maltraitance d’enfants apparaît au grand jour. Derrière l’apparente normalité de ces nouveaux foyers, des enfants vivent rejet, violences et abus, pouvant révéler une crise silencieuse inquiétante.
La recomposition familiale naît souvent séparation, d’un divorce, d’un veuvage, d’une nouvelle union, ou du fait qu’on délègue la garde de son enfant à un autre membre de la famille. Pour l’enfant, elle implique une rupture avec un modèle affectif initial : un nouveau foyer, de nouvelles règles, un nouveau référent adulte. Cette transition, lorsqu’elle n’est pas accompagnée, peut créer un terrain propice aux incompréhensions et aux tensions.
« Ce n’est pas la recomposition en soi qui pose un problème, mais le manque de préparation et d’encadrement », explique Morel Ontsila, psychologue clinicien, avant de poursuivre, « un enfant qui ne comprend pas les changements autour de lui devient vulnérable ».
Dans certains foyers gabonais, l’arrivée d’un beau-père ou d’une belle-mère bouleverse les équilibres au point de placer l’enfant dans une situation d’infériorité. Le beau-parent, n’ayant pas de lien biologique, peut adopter une posture de distance, voire de rejet, que l’enfant perçoit douloureusement.
Pire encore, certains peuvent profiter de cette position de pouvoir pour instaurer un climat d’autorité excessive. Les témoignages recueillis par les associations locales révèlent des comportements inquiétants. « Dans plusieurs cas, l’enfant devient le souffre-douleur du nouveau conjoint, il est considéré comme un intrus, et se voit exposé aux brimades, discriminations, travaux domestiques imposés, humiliations, violences physiques ou psychologiques », confie Aline Ndong, assistante aux affaires sociales.
Dans plusieurs cas, les spécialistes pointent la responsabilité des parents biologiques, souvent trop concentrés sur leur nouvelle relation ou démissionnaires qui semblent ne pas percevoir la détresse de leur enfant. Certains minimisent les coups, les cris, les punitions extrêmes ou les changements de comportement, pensant qu’il s’agit simplement de jalousie ou d’un refus d’adaptation.
Cette négligence involontaire place l’enfant dans un isolement total, il ne sait plus à qui se confier et se retrouve à la merci du beau-parent et parfois de la rue. Au Gabon, même si les lois existent, leur application demeure limitée. Le manque de communication entre familles, écoles et structures de protection rend difficile la détection précoce des cas de maltraitance dans les familles recomposées.
Les professionnels appellent à des campagnes de sensibilisation sur les risques liés aux recompositions familiales ; un accompagnement psychologique obligatoire lors des nouvelles unions, surtout en présence d’enfants ; la formation des enseignants à l’identification des signes de maltraitance ; un renforcement du rôle des services sociaux.
La recomposition familiale peut être une richesse lorsqu’elle est fondée sur le dialogue, la patience et le respect. Mais lorsqu’elle devient un espace où l’enfant subit rejet, violence ou humiliation, elle se transforme en un problème social majeur. Il ne suffit pas de former un nouveau couple pour créer une famille. Une famille, quelle que soit sa forme, doit d’abord être un lieu de sécurité, d’écoute et d’amour. La protection de l’enfant doit rester au cœur de toutes les décisions.

