Au Gabon, de nombreuses adolescentes tombent enceintes avant l’âge de 18 ans, mettant en péril leur santé, leur éducation et leur avenir. Ce phénomène, encore trop souvent passé sous silence, met en lumière de profondes inégalités sociales ainsi qu’un manque criant d’éducation sexuelle.
Dans les quartiers populaires de Libreville comme dans les zones rurales, les grossesses précoces constituent un véritable problème de santé publique. Selon Marie-Louise Benedicta Boutamba, responsable du programme O3 au bureau de l’UNESCO à Libreville, les chiffres sont alarmants : « 81 % des filles-mères gabonaises voient leur avenir brisé par des grossesses précoces, dont 9 % surviennent avant l’âge de 15 ans ».
Des conséquences sanitaires et sociales lourdes
Les répercussions de ces grossesses sont multiples. Sur le plan sanitaire, les jeunes filles sont exposées à des complications médicales graves, parfois mortelles. « La grossesse provoque des dysfonctionnements hormonaux chez la jeune fille, entraînant parfois un retard de croissance », explique le Dr Doria Tsogho, médecin généraliste.
Cette dernière souligne également les risques physiques lors de l’accouchement : « À ce stade, le périnée est encore fragile. […] Généralement, elles ne savent pas pousser, ce qui peut causer des déchirures entraînant d’autres problèmes comme l’incontinence ». À cela s’ajoute le manque de suivi médical, souvent lié à des difficultés financières.
Au-delà des risques pour la santé, l’abandon scolaire reste la conséquence la plus fréquente. « Qui dit grossesse, dit malaises, et qui dit malaises, dit modification des habitudes, poussant certaines à arrêter leurs études, car elles n’arrivent pas à concilier le travail scolaire et l’évolution de la grossesse », observe Marie-Louise Benedicta Boutamba. La déscolarisation plonge ainsi de nombreuses adolescentes dans un cycle de précarité difficile à rompre.
Un appel à l’action pour briser les tabous
Les causes de ce fléau sont multiples : pauvreté, manque d’accès à l’information, tabou autour de la sexualité et abus sexuels. Ce dernier aspect est particulièrement préoccupant en milieu scolaire, où « 36,2 % des violences sont de nature sexuelle », rappelle la responsable du programme O3 au bureau de l’UNESCO à Libreville.
Malgré quelques campagnes de sensibilisation, l’éducation sexuelle reste insuffisante dans le système scolaire gabonais. Pourtant, des voix s’élèvent pour changer les choses, à l’image de Sabine Mba, une jeune mère : « Si ma famille avait évoqué cette question avec moi, ça m’aurait épargné cette grossesse qui m’a poussée à abandonner mes études ». Face à cette urgence, les autorités sont appelées à réagir fermement. Car derrière chaque statistique se cache une adolescente dont la vie bascule trop tôt.