L‘ère numérique a profondément transformé les modes d’interaction, de communication et de partage d’information au Gabon. Omniprésents, les réseaux sociaux sont devenus des espaces incontournables de débat public et d’expression individuelle, mais leur rôle croissant comme outil potentiel de justice sociale soulève autant d’espoirs que d’inquiétudes.
Au fil du temps, ces plateformes sont devenues des canaux que les citoyens empruntent pour faire entendre leur voix, notamment sur des questions parfois peu considérées par les institutions traditionnelles. Elles sont utilisées pour dénoncer des injustices, mobiliser des soutiens et inciter à l’action. Non seulement elles ont amplifié des voix marginalisées, mais elles ont également suscité des discussions sociales essentielles sur l’égalité, le tribalisme, le sexisme et d’autres formes d’oppression. Les utilisateurs peuvent ainsi alerter l’opinion publique sur des affaires, dénoncer des abus de pouvoir et réclamer des réformes.
Certains individus voient même en ces réseaux un moyen plus rapide d’obtenir une forme de justice. En partageant témoignages, vidéos ou preuves personnelles qui exposent des abus, des violences ou des comportements répréhensibles, ils peuvent exercer une pression médiatique sur les autorités compétentes. « Le recours à cette voie a permis à certains compatriotes d’obtenir gain de cause, car nous avons des cas où la pression médiatique a poussé les autorités judiciaires à ouvrir des enquêtes officielles ou à revoir certaines procédures légales », confirme Cyr Pavlov M. Moussavou, sociologue et analyste politique. Dans certains cas, les tribunaux traditionnels ont été amenés à se saisir d’affaires en raison de la viralité qu’elles ont connue en ligne, mettant en évidence l’influence de ces plateformes sur la perception collective de la justice.
Cependant, la portée des réseaux sociaux en tant que tribune de justice suscite aussi de sérieuses interrogations. L’un des risques majeurs est la désinformation et sa vitesse de propagation. Dans l’enthousiasme ou la précipitation, des utilisateurs peuvent partager des informations erronées qui, à leur tour, peuvent avoir de graves conséquences sur les personnes impliquées. De plus, le harcèlement en ligne est devenu une réalité où des individus peuvent être jugés et condamnés sur la place publique (numérique) sans avoir bénéficié d’un véritable procès équitable.
« Malheureusement, et dans la plupart des cas, la justice médiatique entraîne plusieurs dérives et parfois des injustices », prévient le sociologue qui avant d’indiquer : « En effet, les réseaux sociaux, s’ils sont utilisés à des fins malveillantes, peuvent causer des torts considérables. Par exemple, des rumeurs non vérifiées peuvent entraîner des lynchages ou des actes de violence contre des individus accusés à tort. »
Les débats sur la toile peuvent également se transformer en conflits polarisés, entraînant des divisions plutôt que des conversations constructives. Ce phénomène soulève des questions essentielles sur le respect de la présomption d’innocence et le droit à un jugement équitable, piliers fondamentaux de tout système judiciaire.
Si les réseaux sociaux offrent au Gabon des tribunes précieuses permettant aux citoyens, y compris les plus marginalisés, d’exprimer leurs opinions et de dénoncer des abus, ils ne sont pas sans danger. Les risques associés à la désinformation et au harcèlement en ligne exigent une utilisation responsable et une vigilance constante de lapart de tous.

