Coups de poing en cours de récréation, insultes humiliantes en pleine classe, usage d’objets tranchants comme armes de fortune. La violence en milieu scolaire s’installe durablement au Gabon. Mais pendant que les projecteurs se braquent, à juste titre, sur les élèves, une autre réalité reste dans l’ombre : celle des enseignants, souvent démunis, parfois en danger, et rarement préparés à affronter de telles situations.
Derrière le tableau noir, des hommes et des femmes, formés pour transmettre des savoirs… mais pas pour gérer des crises. Les modules de formation initiale se concentrent encore largement sur les disciplines académiques, au détriment de la gestion des conflits, du repérage de la détresse psychologique ou de la réponse à des agressions.
« Non, pas du tout. On n’a pas eu de formation à ce sujet. Et ce peu importe le type de violences », affirme E.E, enseignante dans le secondaire. Même son de cloche du côté de D.A, professeur de philosophie dans un lycée public. « Nous n’avons pas été formés pour ces cas spécifiques. Et même la formation reçue ne cadrait pas avec les réalités du terrain » déclare-t-il.
Face aux actes de violence, bagarres, agressions, insultes, voire usage d’armes blanches comme ciseaux, ceintures, voire chevrons, la réaction des enseignants relève souvent de la débrouille. « Dans la mesure du possible, je sépare les élèves, surtout les plus jeunes, puis je les conduis au censorat vie scolaire », explique E.E. Mais face aux cas les plus graves, elle confie, « J’évite dorénavant d’intervenir seule. Je préfère appeler les surveillants, même s’ils sont en sous-effectif ».
Un isolement préoccupant
Le constat est alarmant : les enseignants ne se sentent ni formés, ni soutenus. Pire, certains dénoncent un abandon de la part de leur hiérarchie. « La hiérarchie ne protège personne. Les responsables administratifs sont plus préoccupés par leurs postes », tranche D.A. Un sentiment partagé par E.E, qui pointe du doigt l’inefficacité du système disciplinaire. « On est souvent surpris de revoir un élève violent en classe, comme si de rien n’était. Quelques jours d’exclusion au mieux. On ne sait même pas s’il a compris la gravité de ses actes ». Même les cas de harcèlement ou d’agressions envers les enseignants semblent traités avec légèreté. « Lorsqu’un enseignant est agressé, on ne se sent pas soutenu. Mais cela dépend du chef d’établissement », nuance-t-elle.
Pourtant, les pistes de solutions existent. D.A propose plusieurs leviers. « Il faudrait revoir les conditions : la surpopulation scolaire est une des causes de ces violences. Il faut restaurer l’autorité de l’enseignant et ramener la sanction. Aujourd’hui, au vu de l’ampleur, il faut joindre scolaire et pénal ».
Vers une formation continue et adaptée ?
Autre exigence récurrente : celle d’une formation continue, mieux ancrée dans la réalité du terrain. « Il faut adapter les formations psychopédagogiques aux réalités locales, organiser des séminaires pour les enseignants en activité », insiste D.A. Une idée que certaines ONG mettent déjà en pratique à petite échelle, comme Mwana Gabon ou École et Vivre Ensemble, via des ateliers de sensibilisation à la gestion non violente des conflits.
Mais ces actions ponctuelles ne remplacent pas une stratégie nationale. Car enseigner, ce n’est pas seulement expliquer une leçon. C’est aussi assurer la sécurité, comprendre les signaux faibles, apaiser les tensions. Et cela, comme toute compétence, s’apprend.