Au Gabon, les réseaux sociaux et les outils numériques occupent désormais une place essentielle dans le quotidien des citoyens. Cependant, leur usage détourné à des fins nuisibles suscite une inquiétude grandissante.
L’augmentation des propos haineux, des diffamations et des discours à connotation tribaliste représente une menace sérieuse pour l’unité nationale et la cohésion sociale. Pour faire face à cette situation, le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) a autorisé les unités de Police judiciaire (PJ) à identifier et poursuivre les responsables de ces actes qui fragilisent le vivre-ensemble.
Dans le communiqué n°62 de juin 2024, le porte-parole du CTRI, le colonel Ulrich Manfoumbi Manfoumbi, a annoncé le feu vert donné aux unités de la PJ pour intensifier la lutte contre les auteurs de ces agissements. Ces derniers, selon les porte-parole, mettent en péril le vivre-ensemble et l’harmonie sociale.
« Quelques esprits séditieux et groupuscules tapis dans l’ombre répandent dans notre pays le venin mortel du régionalisme, de l’ethnocentrisme et de la xénophobie », avait-il dénoncé avec fermeté.
Une volonté de renforcer le cadre juridique
Malgré l’adoption de la loi n°027/2023 du 12 juillet 2023, qui constitue un cadre juridique innovant pour réprimer les délits commis en ligne, son application effective reste entravée. L’absence d’Officiers de police judiciaire (OPJ) spécialisés, compétents pour traiter ce type d’infractions, limite considérablement son efficacité. Les agents de police actuels se heurtent à des difficultés techniques, notamment pour collecter des preuves lorsque des contenus litigieux sont rapidement supprimés des plateformes.
Cette situation souligne l’urgence de mettre en place des unités dédiées, conformément aux dispositions de l’article 79 de cette loi. Placés sous l’autorité du procureur de la République, ces OPJ spécialisés auraient pour mission de détecter, documenter et poursuivre efficacement les actes de cybercriminalité.
S’équiper pour traquer les cyberharceleurs et les auteurs anonymes
Une police des réseaux sociaux dotée de technologies avancées est essentielle pour faire face aux nouveaux défis du numérique. Les cyberharceleurs et les auteurs de menaces anonymes profitent souvent de l’absence de moyens techniques pour supprimer les preuves de leurs méfaits.
Avec des outils performants, il serait possible de récupérer des contenus effacés, d’identifier les comptes anonymes et de collecter des preuves robustes pour des poursuites judiciaires.
S’inspirer de l’expérience ivoirienne
Le Gabon pourrait tirer des leçons du succès de la Plateforme de lutte contre la cybercriminalité (PLCC) en Côte d’Ivoire. Ce dispositif a permis de sanctionner plusieurs utilisateurs de réseaux sociaux pour des actes de diffamation, de menaces et d’atteinte à la vie privée. Les autorités ivoiriennes ont montré qu’internet n’est pas un espace de non-droit. En suivant cet exemple, le Gabon pourrait créer une structure similaire pour garantir que les infractions ne restent pas impunies.
Mettre un terme aux discours haineux et tribalistes
Outre les réseaux sociaux, certains médias traditionnels alimentent également des discours de haine. « Des organes de presse écrite se permettent de livrer à la vindicte populaire d’autres citoyens, uniquement en raison de leur appartenance ethnique », déplorait le Colonel Manfoumbi.
Ces pratiques divisent et fragilisent la société gabonaise. Pour y remédier, le président de la transition, Brice Clotaire Oligui Nguema a donné des instructions claires : les services de police judiciaire doivent intensifier leur veille sur les médias et les réseaux sociaux et saisir immédiatement le parquet en cas d’infraction constatée.
Un appel à la responsabilité collective
Le combat contre la cybercriminalité et les discours haineux n’est pas uniquement l’affaire des autorités. Il appelle à une prise de conscience collective. Chaque citoyen doit comprendre que la liberté d’expression s’accompagne de responsabilités.
Avec la mise en place de mesures fortes et l’implication active des forces de l’ordre, le Gabon pourrait poser les bases d’un espace numérique plus sûr, respectueux et conforme aux valeurs de cohésion sociale.