En ce 19 juin, Journée mondiale de lutte contre la drépanocytose, la parole est donnée à celles et ceux dont le quotidien est marqué par cette maladie encore trop peu comprise. À Libreville, Prunelle Love vit avec la drépanocytose depuis l’enfance. Son témoignage éclaire une réalité souvent ignorée, faite de douleurs, d’incompréhension et de résilience.
La drépanocytose est une affection héréditaire du sang, dans laquelle les globules rouges perdent leur forme normale et se déforment en faucille. Cette mutation entrave la bonne circulation de l’oxygène dans le corps, provoquant des douleurs aiguës, des épisodes de fatigue intense, des anémies, et parfois des complications plus graves.
Au Gabon, on estime qu’environ un habitant sur cinq est porteur du gène. Les personnes atteintes doivent vivre avec des symptômes chroniques, entrecoupés de crises imprévisibles. C’est le cas de Prunelle Love, qui a appris très tôt à s’adapter. « J’ai su que j’étais drépanocytaire depuis mon enfance. En effet, mes parents l’ont appris quand j’avais 6 mois. Je ne me souviens plus réellement des premiers signes de la maladie car j’étais très petite, mais mes parents ont décrit le fait que je me tordais de douleurs », a-t-elle déclaré.
Une gestion du quotidien sous contrainte
Hydratation continue, prudence face aux changements de température, limitation des efforts physiques : chaque détail du quotidien compte pour éviter les crises. « Je fais très attention à mon corps et au moindre symptôme. Dès que je remarque un changement, par exemple mes yeux qui jaunissent trop ou une douleur… je prends des médicaments en guise de prévention car la drépanocytose est une maladie invisible et très imprévisible. Je m’hydrate beaucoup et fais mon possible pour ne jamais attraper froid car la fraîcheur est le principal déclencheur d’une crise drépanocytaire ».
Des efforts qui ont porté leurs fruits, puisqu’elle confie n’avoir pas connu de crise depuis deux ans, « avant ça, j’y passais tous les 6 mois… mais Dieu a fait grâce ».
Des soins encore trop aléatoires
L’accès aux soins spécialisés reste difficile. Peu de structures disposent d’une réelle expertise sur la maladie, et la prise en charge peut s’avérer inégale selon les établissements. « La drépanocytose semble connue, mais ce n’est pas tous les hôpitaux qui maîtrisent le protocole d’une crise vaso-occlusive. Oui, j’ai déjà rencontré des difficultés dans des structures de santé car certaines minimisent la douleur d’une crise vu qu’elle est invisible », a-t-elle indiqué.
C’est ce qui l’a poussée à se faire suivre dans un seul et même établissement, pour éviter les approximations. « C’est pourquoi je me fais suivre dans une même clinique depuis des années. En cas de crise, mes parents et proches savent où m’emmener ».
Des coûts importants, un poids invisible
Consultations, examens, médicaments… les frais s’accumulent, surtout lorsque les couvertures sociales ne suffisent pas : « Depuis petite, j’avais une assurance maladie privée, donc il n’y avait pas forcément de poids mais depuis que je suis passée à l’assurance publique, c’est un peu compliqué car tous les médicaments essentiels ne sont pas pris en charge par celle-ci ». Une situation qui, au-delà du financier, pèse moralement sur les personnes atteintes et leurs familles.
Entre préjugés, discrimination et solitude
Outre les douleurs physiques, les drépanocytaires doivent aussi composer avec les jugements et les idées reçues. « La stigmatisation a fait partie de mon quotidien pendant de longues années… les pires ont été au collège et au lycée. Et j’ai déjà été stigmatisée en milieu professionnel, et même virée à cause de la drépanocytose il y a quelques années », déploré Prunelle.
Certains propos marquent durablement : « On m’a maintes fois traitée de sorcière et dit que je n’atteindrai pas la vingtaine… ». Des stéréotypes injustes qui alimentent le silence et la peur, au lieu de la compréhension.
Une parole utile, un engagement vital
Aujourd’hui, Prunelle Love a décidé de ne plus se taire. Elle s’engage dans des actions de sensibilisation, notamment en encourageant les tests d’électrophorèse. « J’ai choisi de m’engager publiquement afin de sensibiliser les humains à faire leur électrophorèse pour éviter de transmettre la maladie à leurs enfants, car la drépanocytose est une maladie génétique », a-t-elle précisé.
Et elle tient à adresser un message fort aux autres jeunes vivant avec la même réalité. « Aux jeunes drépanocytaires, à mes frères “warriors”… ne baissez pas les bras, nous sommes nés avec la drépanocytose mais elle ne définit en rien ce que nous sommes. Alors ne vous focalisez pas sur cette maladie, vivez et soyez des témoignages vivants » s’exclame-t-elle.
Les personnes atteintes de cette maladie doivent adapter leur quotidien pour éviter les crises douloureuses. L’accès aux soins reste inégal, et le poids économique comme social pèse lourdement sur les malades. En cette Journée mondiale, donner la parole aux personnes concernées permet de mieux comprendre et de lutter contre les préjugés.