Au Gabon, le retour à la vie normale après une incarcération s’apparente à un véritable parcours du combattant. Entre stigmatisation sociale, manque de structures de suivi et d’accompagnement, la réinsertion des anciens détenus reste un challenge pourtant essentiel pour rompre le cycle de la récidive.
Une fois en liberté, certains anciens prisonniers font face à un rejet profond, souvent au sein même de leurs familles. Cette marginalisation rend la réintégration sociale très difficile. « Quand je suis sorti de prison, j’ai cru qu’un proche m’attendait de l’autre côté du portail, grande fut ma déception lorsque je n’ai vu aucun membre de ma famille. J’ai dû rentrer chez moi comme si de rien n’était, sans être accueilli, ni guidé », confie un ancien détenu sous d’anonymat. « De retour à la maison, rien que les regards de mes proches m’ont fait comprendre que je n’étais pas le bienvenu », a-t-il ajouté
Outre le rejet social, les anciens détenus se heurtent à une combinaison d’obstacles économiques, notamment la quête d’emploi. « Quelques mois après ma sortie de prison, j’ai postulé à de nombreuses offres, mais à chaque fois, je me suis retrouvé comme face à un mur », raconte un autre ex-détenu qui précise que son casier judiciaire est une paire de manches au quotidien et qui, surtout, soumet à un salaire indécent. Cette quasi-exclusion du marché du travail accentue leur précarité et les expose davantage au risque de récidive. Le manque de suivi psychologique et d’accompagnement professionnel après la libération complique encore le processus de réinsertion.
À ce jour, aucune structure officielle ne propose de prise en charge systématique, ni de programmes de réadaptation, par le travail ou par la formation certifiante. L’absence d’initiatives étatiques visant à orienter ces derniers vers des travaux d’intérêt général ou des projets générateurs de revenus accentuent leur isolement.
Face à ce vide institutionnel, certaines associations tentent de combler la faille. SOS Prisonniers Gabon œuvre depuis plusieurs années à la défense des droits des détenus et leur accompagnement vers la réinsertion. « L’enjeu de la réinsertion ne se limite pas à la sortie de prison. Le vrai travail commence au moment où la personne retrouve sa liberté », explique Lionel Engonga, président de l’association.
Selon lui, la réinsertion nécessite une synergie entre l’État, la société civile et les familles : « sans accompagnement psychologique et professionnel adéquat, la récidive est presque inévitable. Si on ne leur propose pas de solution concrète, une formation diplômante, un petit fonds pour se lancer dans une activité génératrice de revenus, nous les condamnons à retourner en prison. »
Aujourd’hui, l’inefficacité du dispositif de réinsertion au Gabon entretient un cycle vicieux où la sortie de prison n’est pas perçue comme une seconde chance, mais comme le début de nouvelles difficultés. Renforcer les politiques publiques d’accompagnement, créer des programmes de formation et sensibiliser la société au droit à la réinsertion sont autant de leviers indispensables pour construire un système plus humain, plus efficace, et véritablement orienté vers la réadaptation à la vie sociale hors des barreaux.