Alors que le Gabon s’apprête résolument à entrer dans la 5ᵉ République avec l’investiture prochaine du président élu, Brice Clotaire Oligui Nguema, à la suite de la proclamation des résultats définitifs de l’élection présidentielle par la Cour constitutionnelle, la loi sur les partis politiques apparaît comme l’une des pierres angulaires de la refondation du système démocratique.
Enracinée dans l’histoire du pluralisme politique amorcé dans les années 1990, cette législation soulève aujourd’hui plusieurs enjeux majeurs qui déterminent non seulement la qualité de la démocratie gabonaise, mais aussi la crédibilité du paysage politique.
Depuis l’instauration du multipartisme intégral en 1990, le Gabon a vu émerger une myriade de partis politiques. Officiellement, plus d’une centaine de formations sont enregistrées, mais peu disposent d’une réelle base militante ou d’un programme clair. Nombre d’entre elles sont qualifiées de « partis alimentaires », nées davantage d’ambitions personnelles que d’un véritable projet de société.
L’enjeu de la loi est donc de rationaliser cet environnement fragmenté, en imposant des critères clairs pour la création et le fonctionnement des partis : représentativité, organisation interne démocratique, transparence financière et ancrage réel dans la société. Une telle réforme permettrait de clarifier l’offre politique et de favoriser des formations capables de structurer le débat public de manière sérieuse.
La question du financement et de la transparence
Un autre défi majeur est celui du financement des partis politiques. Longtemps opaque, le financement politique a alimenté la corruption, le clientélisme et des campagnes électorales inéquitables. La nouvelle loi doit poser des règles strictes : plafonnement des dons, interdiction de financements illicites, publication des comptes, contrôle par une autorité indépendante.
Garantir une transparence financière est indispensable pour restaurer la confiance des citoyens dans leurs représentants et éviter que l’argent n’étouffe la voix du peuple.
Plusieurs partis manquent d’une véritable identité idéologique. Ils se construisent souvent autour d’une figure ou d’une ambition personnelle, et non d’un socle d’idées claires. La loi pourrait encourager l’élaboration de programmes cohérents, avec des obligations de congrès réguliers, de renouvellement des dirigeants et de formation des militants. Un parti politique doit incarner une vision pour le pays, et non se réduire à une simple écurie électorale.
Le respect du pluralisme et des libertés fondamentales
Toute réforme de la loi sur les partis politiques doit aussi s’assurer qu’elle ne devienne pas un outil d’exclusion déguisée. Il serait dangereux qu’au nom de la régulation, on restreigne abusivement le pluralisme ou qu’on facilite la dissolution arbitraire des partis critiques du pouvoir.
L’enjeu est donc d’équilibrer un encadrement rigoureux avec le respect de la liberté d’association, conformément aux standards internationaux et à la Constitution gabonaise.
Enfin, la loi pourrait également encourager les partis à avoir une implantation sur l’ensemble du territoire national, et non à se concentrer uniquement à Libreville ou dans certaines régions. Cela garantirait que les formations politiques représentent réellement la diversité du Gabon, dans toutes ses composantes culturelles, sociales et économiques.
Au moment où le pays cherche à tourner la page d’un passé politique souvent marqué par l’immobilisme et les crises de légitimité, la réforme de la loi sur les partis politiques est une opportunité historique. Elle peut contribuer à assainir le climat politique, à élever le niveau du débat démocratique et à permettre l’émergence de nouvelles générations d’acteurs porteurs d’espoir et de changement.
Mais tout dépendra de la manière dont cette réforme sera pensée et appliquée : s’agira-t-il d’une réforme de façade ou d’une véritable révolution politique ? Les gabonais, échaudés par les promesses non tenues, attendent des actes forts pour croire, enfin, en une démocratie plus mature et authentique.

