La Cour internationale de Justice (CIJ) a rendu ce 19 mai 2025 un arrêt historique qui met fin à plusieurs décennies de désaccords territoriaux entre le Gabon et la Guinée équatoriale. Saisie à la suite d’un accord mutuel entre les deux pays, la plus haute juridiction des Nations unies a définitivement statué sur la souveraineté de zones terrestres et maritimes contestées. Résultat : Libreville voit plusieurs de ses arguments balayés, tandis que Malabo se voit confortée dans ses positions, notamment sur les îles disputées du Golfe de Guinée.
C’est un revers pour la partie gabonaise. La « Convention de Bata », longtemps brandie par le Gabon comme un document prouvant la reconnaissance équato-guinéenne de ses droits sur certaines portions frontalières, a été catégoriquement écartée par la Cour. À l’unanimité, les juges ont estimé que ce texte ne répondait à aucun des critères permettant de le qualifier de traité ou d’instrument juridique valable au regard du droit international. En somme, il ne pouvait servir de base légale dans ce litige porté devant la CIJ.
Le droit colonial comme fondement
Sur le fond, la Cour a clarifié ce que de nombreuses voix soupçonnaient : les frontières actuelles entre les deux pays doivent se baser exclusivement sur les délimitations héritées de la période coloniale. Pour la CIJ, seuls les titres territoriaux en vigueur au moment des indépendances ceux détenus par la France pour le Gabon (17 août 1960) et par l’Espagne pour la Guinée équatoriale (12 octobre 1968) ont une valeur juridique. Ces titres, issus notamment de la convention franco-espagnole du 27 juin 1900, définissent donc les contours des États actuels.
En d’autres termes, la Cour rappelle qu’à défaut de nouveaux accords formels entre les parties, ce sont les anciens tracés coloniaux qui s’imposent, dans le respect du principe de l’uti possidetis juris.
Mbanié, Corisco, Ponga : des îles sous pavillon équato-guinéen
Le point le plus symbolique et sans doute le plus sensible concernait les îles Mbanié, Corisco et Ponga, situées dans une zone maritime stratégique. Ici encore, la décision est sans appel : par 13 voix contre 2, la CIJ a reconnu la légitimité du titre espagnol de 1968, transmis à l’État équato-guinéen à son accession à l’indépendance. Résultat : la souveraineté sur ces trois îles est officiellement attribuée à la Guinée équatoriale, mettant fin aux revendications gabonaises qui persistaient depuis des décennies.
Cette décision, très technique, pourrait avoir des répercussions au-delà des deux pays concernés, et constituer une référence pour d’autres différends similaires en Afrique centrale.
Frontière maritime : la mer aussi tranchée
La CIJ s’est également prononcée sur la délimitation des espaces maritimes entre les deux États. Elle a reconnu comme cadre juridique la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (1982), et validé l’usage de la Convention spéciale de 1909 pour établir le point terminal de la frontière terrestre, point de départ logique de la démarcation maritime. Une clarification qui devrait faciliter l’exploitation pacifique des ressources halieutiques et sous-marines dans la région.
Au-delà des considérations juridiques, cet arrêt marque un tournant diplomatique majeur. Désormais, il revient à Libreville et Malabo de traduire cette décision dans les faits, en menant ensemble un processus de matérialisation des frontières. Une étape essentielle pour éviter toute résurgence de tensions dans cette zone historiquement convoitée, riche en hydrocarbures et en biodiversité.
Pour le Gabon, c’est une page difficile mais nécessaire à tourner. La sentence de la CIJ est définitive et sans appel. Elle impose désormais un nouveau cap dans les relations bilatérales entre deux voisins condamnés à cohabiter, dans le respect du droit international.