Après plusieurs jours d’audiences tendues au parquet de Libreville, le procès impliquant dix proches de l’ancien système politique, dans l’affaire Sylvie Aimée-Marie Bongo Valentin et Nourredin Bongo, a connu son dénouement ce mardi 18 novembre 2025 au petit matin. Les prévenus, qui avaient tous exprimé leurs regrets et demandé pardon au peuple gabonais, ont finalement été fixés sur leur sort, devant une salle comble.
Suspendue le 16 novembre 2025, l’audience avait repris ce lundi 17 novembre 2025 avec le réquisitoire du procureur général, après une courte pause. La défense a ensuite enchaîné plusieurs heures de plaidoiries, dans un véritable ballet d’avocats déterminés à obtenir l’acquittement de leurs clients, multipliant arguments juridiques et plaidoyers émotionnels.
Des prévenus repentants, un regret partagé
Avant que la Cour ne se retire pour délibérer, le président a demandé aux dix accusés s’ils souhaitaient formuler une dernière déclaration. Tous s’y sont pliés, exprimant un regret commun : avoir participé à un système dont ils reconnaissent désormais les dérives et les torts causés au peuple gabonais.
Parmi les déclarations marquantes :
Ali Abdul Saliou et son frère Oceni Ossa Mohamed ont demandé pardon, reconnaissant que le système dont ils avaient bénéficié avait nui aux Gabonais. Ils ont affirmé souhaiter que leurs biens saisis soient restitués au peuple.
Ian Ngoulou a présenté ses excuses et affirmé sa confiance dans l’impartialité de la justice. Cyriaque Mvourandjami s’est excusé pour les manquements relevés durant l’exercice de ses fonctions. Kim Oun a remercié la justice gabonaise et déclaré avoir découvert ce qu’il a qualifié de « deuxième visage de Sylvie Aimée-Marie Bongo Valentin ».
Ndegho Dieko Steeve a dit placer son espoir dans cette procédure et s’est dit fier de la justice gabonaise, regrettant d’avoir participé à un système qu’il juge aujourd’hui défaillant. Jordan Camuset et Jessy Ella Ekogha ont également demandé pardon au peuple et à la Cour, ce dernier déclarant placer son sort entre les mains de la justice.
Un verdict prononcé au petit matin
Après plusieurs heures de délibération, la Cour est revenue en salle à 05h50 et a rendu son verdict à 7h00 ce mardi 18 novembre 2025. Après avoir rappelé les déclarations des prévenus lors de leurs auditions, elle a rendu les décisions suivantes :
Peines prononcées :
- Steeve Nzegho Dieko, non coupable de blanchiment d’argent, levée de la résidence surveillée et du gel de ses avoirs
- Gisèle Mombo, coupable de blanchiment de capitaux, 26 mois de prison et 5 millions d’amende, levée du mandat de dépôt.
- Yann Ngoulou, 15 ans de prison dont 5 avec sursis et 10 millions d’amende.
- Mohamed Aliou Saliou 15 ans de prison dont 5 avec sursis et 10 millions d’amende.
- Abdul Oceni , 15 ans de prison dont 5 avec sursis et 10 millions d’amende.
- Jessy Ella Ekogha, 10 ans de prison dont 7 avec sursis, 10 millions d’amende, placé sous mandat de dépôt.
- Kim Oun, 5 ans de prison et 50 millions d’amende, placé sous mandat de dépôt.
- Gabin Otha, 3 ans de prison dont 1 avec sursis, placé sous mandat de dépôt et 5 millions d’amende.
- Jordan Kamuset, 3 ans de prison avec sursis, 5 millions d’amende, levée de la mesure de résidence surveillée.
- Cyriaque Mvourandjami, 26 mois prison, main levée du mandat de dépôt, levée du gel des avoirs bancaires, 5 millions d’amende avec levée du mandat de dépôt.
Réparations civiles et confiscations
La Cour a également exigé le remboursement du préjudice moral subi par l’État. Les montants à verser sont les suivants :
- Oceni Ossa Mohamed : 6 milliards 400 millions de FCFA
- Jessy Ella Ekogha : 295 millions de FCFA
- Kim Oun : 50 millions de FCFA
- Jordan Camuset : 10 millions de FCFA
- Cyriaque Mvourandjami : 25 millions de FCFA
- Ian Ngoulou : 1 milliard de FCFA
- Ali Abdul Saliou : 6. milliards de FCFA
La Cour a également ordonné la confiscation de certains biens appartenant aux frères Oceni, à Jessy Ella Ekogha, ainsi qu’à Ian Ngoulou. Le président de la cour a conclu son allocution par ces mots : « C’est un moment historique que traverse notre pays. »
Un procès qui restera dans les annales.
Ce verdict met un terme à un procès historique, suivi avec attention par tout le pays. Les sanctions prononcées ont été accueillies favorablement par le public présent, perçues comme justes et nécessaires.
« Ce à quoi nous avons pris part est mémorable. Qui aurait cru ces moments possibles ? Le Gabon vient vraiment de tourner une page de son passé, et j’en suis très heureux. Je dirais même mieux : je suis fier d’appartenir à cette nouvelle nation », a déclaré Romain Mbadinga.Pour beaucoup, ce jugement envoie un message clair : nul, quel que soit son rang ou son influence, n’est au-dessus de la loi.
Les avocats de la défense n’ont pas manqué de souligner qu’il feront appel de cette décision « Nous avons passé près de 6 jours d’audience et la cour a rendu son verdict et disposons de 5 jours pour pourvoir en cassation et avec mes confrères, nous allons réunir pour voir dans quelles conditions pourvoir en cassation » a révélé Me Hugues Désiré Boguikouma, avocat de la défense.
Ce procès aura surtout démontré que le système judiciaire gabonais est désormais prêt à assumer pleinement ses responsabilités, y compris lorsque les infractions impliquent des figures parmi les plus puissantes de l’ancien régime.

