Le gouvernement gabonais s’apprête à opérer un tournant majeur dans sa politique fiscale. À partir de 2026, une nouvelle taxe forfaitaire d’habitation sera instaurée et prélevée directement sur les factures d’électricité de la SEEG. L’instauration de cette taxe d’habitation suscite des inquiétudes chez les ménages et les entreprises gabonaises. Si cette mesure vise à diversifier les sources de revenus de l’État et à sécuriser les finances publiques, son impact économique et social pourrait être lourd.
Applicable aux logements résidentiels et professionnels, la taxe reposera sur une classification par zones et caractéristiques géographiques, permettant de différencier les montants selon les capacités contributives. Les zones rurales seront exemptées dans la phase initiale, signe d’une volonté d’éviter d’alourdir les charges des ménages les plus vulnérables.
Selon le gouvernement, la taxe devrait générer environ « 2,8 milliards de FCFA par an », des ressources qui seront destinées à améliorer la gestion du patrimoine public et la qualité des services municipaux. « Beaucoup de ménages ont du mal à comprendre s’il s’agit réellement d’une taxe d’habitation ou d’une taxe sur l’énergie, tant la confusion est grande. Cette ambiguïté tient au fait que le prélèvement est adossé à la consommation électrique », a indiqué Ghislain Mapangou Mapangou, économiste.
Cette taxe vient s’ajouter à la TVA et aux autres prélèvements déjà en vigueur, augmentant directement le montant des factures d’électricité. Pour de nombreux ménages, notamment ceux modestes, mais ayant une consommation énergétique relativement élevée, cette mesure représente un surcoût non négligeable. « Si la taxe est forfaitaire, elle peut être simple, mais injuste pour les petits consommateurs. Si elle est proportionnelle , certains rapports évoquent un taux de 9 % du montant hors taxes, elle augmente donc avec la consommation d’électricité. Cela pose un enjeu d’équité fiscale ».
Le chef de l’État a souligné la nécessité de moderniser et sécuriser la collecte des recettes, dans un contexte où les marges budgétaires se réduisent. Le déploiement du Système intégré de gestion des finances publiques, véritable colonne vertébrale de la digitalisation et de la transparence, s’accompagne désormais d’un mécanisme plus simple et plus difficile à contourner pour les contribuables.
Le choix de l’électricité comme support de prélèvement répond à un objectif clair : centraliser, fiabiliser et sécuriser la collecte. Concrètement, les usagers verront apparaître une nouvelle ligne sur leurs factures SEEG. Le gouvernement mise sur un dispositif lisible et maîtrisé, capable de limiter les tensions sociales.
« La nouvelle taxe vise à sécuriser et diversifier les recettes non pétrolières afin de renforcer l’autonomie budgétaire de l’État. En passant par la facture SEEG, dont la collecte est difficilement contournable, le gouvernement dispose désormais d’un mécanisme de recouvrement beaucoup plus efficace », précise Ghislain Mapangou.
Toutefois, certains foyers pourraient y voir une augmentation sensible du coût de la vie, dans un contexte de pression inflationniste déjà marquée. La communication gouvernementale devra donc être précise pour éviter les incompréhensions. « Il est essentiel que le gouvernement communique clairement sur le montant et le mode de calcul, afin d’éviter que les citoyens perçoivent cela comme une charge excessive », souligne Alain Ndong, expert en finances publiques.
Selon l’expert, cette taxe pourrait en effet pénaliser particulièrement les familles nombreuses et modestes, dont la consommation électrique est plus élevée sans pour autant refléter une plus grande capacité contributive.
Pour les experts, les entreprises, surtout celles installées dans les zones urbaines et périurbaines, seront également concernées. il sera question d’instaurer une contribution équitable de tous les occupants du foncier bâti, indépendamment de leur activité. Toutefois, des réserves pourraient émerger au sein du patronat, notamment chez les PME déjà confrontées à des charges structurelles importantes.
À l’inverse, pour les collectivités locales, cette nouvelle taxe représente une opportunité stratégique. Les recettes pourraient permettre de mieux financer l’aménagement urbain, la gestion des déchets, l’entretien routier et la modernisation des infrastructures municipales, des secteurs qui souffrent chronique d’un manque de ressources.
Le gouvernement assure que le produit de la taxe s’inscrira dans une logique de soutenabilité et de transparence afin de renforcer la crédibilité des finances publiques. Cette mini-révolution fiscale intervient dans un contexte où l’État souhaite assainir ses finances, lutter contre les dérives de gestion mises en lumière par de récents audits et améliorer l’efficacité de la dépense publique.
Si le dispositif promet une meilleure équité et une stabilisation des ressources, son acceptation par les ménages et les entreprises dépendra largement de la pédagogie institutionnelle et de la capacité des pouvoirs publics à démontrer l’usage concret des fonds collectés.

