Dans un pays en constante mutation comme le Gabon, les schémas familiaux traditionnels, fondés sur le mariage civil, coutumier ou religieux, connaissent depuis quelques années de profondes transformations. L’un des phénomènes les plus observés aujourd’hui est celui de la cohabitation non officielle, souvent appelée « concubinage ». Longtemps marginalisée ou considérée comme transitoire, cette forme de vie commune s’impose désormais comme un modèle familial courant, particulièrement chez les jeunes adultes.
Si le mariage demeure une référence sociale forte, beaucoup de jeunes couples affirment ne plus y voir une priorité immédiate. Certains couples considèrent la cohabitation comme une manière d’« essayer la vie de couple », de partager les charges et de s’assurer de la compatibilité avant de s’engager dans un mariage formel. « Je vis avec ma petite amie depuis quatre ans, et pour l’instant ça nous convient. On prendra le temps pour le mariage au moment voulu », confie Carle Mabika, un compatriote.
L’essor des réseaux sociaux, la mobilité professionnelle et l’ouverture culturelle jouent aussi un rôle déterminant. Les jeunes générations, exposées à d’autres modes de vie, revendiquent davantage d’autonomie dans la gestion de leur vie intime. « On voit comment les couples vivent ailleurs, on n’a plus envie de suivre un modèle unique », explique Christelle, une jeune femme vivant en couple depuis deux ans. Pour beaucoup, le couple n’est plus nécessairement défini par l’alliance officielle, mais par la complicité, la stabilité affective et le projet commun. « Le papier ne garantit pas le bonheur, c’est notre entente qui compte », renchérit-elle.
Cette évolution reflète une modernisation des mentalités où les valeurs familiales se recomposent entre tradition et liberté individuelle. Le choix du partenaire, autrefois guidé par les familles, devient un processus plus personnel. « Avant, on écoutait beaucoup les parents, mais aujourd’hui chacun veut construire sa vie selon sa réalité », analyse Jérôme Ndongo, sociologue.
Par ailleurs, le coût élevé des cérémonies traditionnelles et la pression des familles pourraient pousser de nombreux jeunes à cohabiter avant toute officialisation. « Aujourd’hui, organiser une dot coûte parfois plus cher qu’un salaire annuel », confie Patrick Solet, un riverain, avant d’ajouter, « Pour ma compagne et moi, le mariage officiel est un objectif à long terme. Aujourd’hui, nous voulons juste construire notre quotidien ensemble », Le concubinage permet ainsi une flexibilité dans l’organisation de la vie de couple, tout en offrant un cadre affectif et pratique pour les deux partenaires.
Certains couples optent pour un concubinage « officiel » par reconnaissance notariale ou via un contrat de cohabitation, qui permet de protéger certains droits sans passer par le mariage complet. Au Gabon, cette forme de vie commune est une pratique reconnue dans les faits notamment via un certificat de concubinage délivré par la mairie, mais ce statut est surtout symbolique et manque d’une réelle d’une valeur juridique pour protéger les concubins en cas de séparation ou de session, car il n’est pas assimilé au mariage légal.
« Si vous vivez ensemble sans contrat, la loi ne vous protège pas. En cas de séparation, chaque partenaire reprend ce qu’il a apporté, et les enfants dépendent exclusivement de leur parent légalement reconnu », explique Me Alain Moussavou, avocat spécialisé en droit de la famille. Certains couples choisissent toutefois de formaliser partiellement leur union, par exemple via un contrat de vie commune ou une reconnaissance devant notaire, pour sécuriser certains aspects financiers ou patrimoniaux. « Même si cela n’a pas la même portée qu’un mariage, c’est une solution pour protéger les deux parties et les enfants », précise le juriste.
Les experts indiquent que cette évolution n’est pas une rupture des valeurs familiales, mais plutôt une adaptation aux réalités économiques, sociales et culturelles. La montée du concubinage, qu’il soit simple ou partiellement formalisé, reflète une modernisation des mentalités. Entre aspirations personnelles, contraintes économiques et modernité croissante, les jeunes générations redéfinissent la manière de fonder un foyer.
Le concubinage non officiel s’impose comme un choix pragmatique, flexible et adapté à la réalité du quotidien, la question n’est peut-être plus de savoir s’il remplace le mariage, mais comment il contribue aujourd’hui à redessiner les contours de la famille dans le Gabon contemporain.

