Le Conseil des ministres du 29 décembre 2025 aura marqué un tournant dans la lecture officielle de la contre-performance des Panthères à la Coupe d’Afrique des Nations, actuellement disputée au Maroc. Loin d’un simple commentaire sportif, l’intervention du chef de l’État, relayée dans le communiqué final, pose un diagnostic politique et institutionnel sur l’état du football gabonais, et, au-delà, sur la gouvernance du sport national.
En revenant sur le parcours de l’équipe nationale, le président de la République ne s’est pas arrêté au score ni aux circonstances de jeu. Il a identifié deux « problématiques majeures » : l’absence de méthode et la dispersion des ressources. Deux expressions qui traduisent une critique structurelle, visant moins les acteurs du terrain que l’organisation globale du football gabonais.
L’absence de méthode renvoie à un déficit de planification, de cohérence et de continuité dans les choix sportifs. Elle interroge la capacité des structures en charge du football à définir une vision claire, à s’y tenir et à la décliner de manière opérationnelle, de la formation à la sélection nationale. Quant à la dispersion des ressources, elle suggère une utilisation inefficiente des moyens humains, financiers et logistiques, sans hiérarchisation des priorités ni mécanismes rigoureux d’évaluation.
La question sensible de la fibre patriotique
Au-delà des défaillances organisationnelles, le chef de l’État a mis en lumière un point plus délicat : « l’érosion préoccupante de la fibre patriotique dans la gestion de la chose sportive ». Cette observation ouvre un débat plus large sur le rapport des dirigeants sportifs à l’intérêt général, à la responsabilité publique et à l’éthique de gestion.
Sans désigner explicitement de responsables, cette remarque laisse entendre que le sport, et particulièrement le football, aurait progressivement glissé vers des logiques individuelles ou corporatistes, au détriment de l’engagement collectif et de la représentation nationale. Une dérive qui, selon l’exécutif, fragilise la crédibilité du système sportif et rompt le lien symbolique entre l’équipe nationale et la Nation.
Le football, enjeu de cohésion nationale
En soutenant l’analyse présidentielle, le Conseil des ministres a rappelé que le football ne peut être considéré comme un simple loisir populaire. Il est présenté comme une composante de l’« âme nationale », un espace où se cristallisent l’unité, la fierté et le sentiment d’appartenance.
Cette approche confère au sport une dimension politique et sociale assumée. Lorsque les performances s’effondrent ou que la gouvernance est contestée, c’est l’image du pays et la confiance collective qui en pâtissent. À ce titre, la situation actuelle du football gabonais dépasse le cadre sportif pour devenir une question de cohésion nationale.
Des décisions annoncées, mais encore attendues
Face à ces constats, le président de la République a annoncé son intention de prendre, « le moment venu », des décisions « fortes et structurantes » afin de mettre un terme aux dysfonctionnements observés. Si le contenu précis de ces mesures n’a pas encore été dévoilé, l’orientation est claire : rétablir la rigueur, renforcer la responsabilité et restaurer l’ambition dans la gouvernance du sport national.
Cette prudence dans l’annonce laisse entrevoir une volonté de réformes en profondeur, plutôt que des ajustements ponctuels dictés par l’émotion. Elle suggère également que les changements envisagés pourraient concerner l’architecture institutionnelle du sport, les mécanismes de financement, les règles de gouvernance et les critères de performance.
Un moment de vérité pour le sport gabonais
L’analyse livrée en Conseil des ministres marque une rupture avec une approche longtemps indulgente des contre-performances sportives. En faisant du football un sujet de réflexion politique et institutionnelle, l’exécutif reconnaît implicitement que les difficultés actuelles sont le produit d’un système à bout de souffle.
Reste désormais l’étape la plus attendue : la traduction de ce diagnostic en actes concrets. La crédibilité de cette nouvelle posture dépendra de la capacité des autorités à engager des réformes cohérentes, durables et mesurables. Pour le sport gabonais, et pour le football en particulier, le temps du constat semble révolu. Celui des décisions approche.

