Au Gabon, nous assistons de plus en plus à une recrudescence des violences conjugales. Selon les chiffres du ministère des Affaires sociales, 89,9% des femmes ont été victimes de ces violences à un moment dans leur vie. Toutefois, la décision de quitter le foyer ou de dénoncer son conjoint est souvent la plus difficile à prendre pour elles, à cause des considérations morales qui régissent la société.
Les mœurs peuvent être définies comme un ensemble de comportements propres à un groupe humain ou à un individu et considérés dans leurs rapports avec une morale collective, des règles de vie et un modèle de conduite imposé par une société à ses membres. Ces modèles de conduites interviennent dans la chaîne d’éducation des jeunes filles, leur indiquant qu’une femme devrait supporter un certain nombre de choses, y compris les violences, au motif qu’elles sont les garantes de la stabilité de leur couple.
Interrogée sur la question, la doctorante en psychogénéalogie et fondatrice de l’ONG Fille, Femme et Fière, Irina Paceli Koumba, nous a livré ses impressions. « L’interprétation de la culture gabonaise, comme beaucoup d’autres en Afrique, est fortement patriarcale. L’homme est souvent perçu comme le chef de famille et le principal décideur, ce qui peut conduire à une justification des violences comme un moyen de contrôle sur les femmes », a-t-elle déclaré.
Elle renchérit en expliquant que la tradition contraint les femmes à se soumettre à leurs conjoints ou maris, « certaines pratiques traditionnelles considèrent la soumission des femmes comme une vertu. Par exemple, l’idée qu’une femme doit toujours obéir à son mari peut légitimer la violence conjugale comme une correction « acceptable ».
Irina Paceli Koumba parle également de pression sociale et familiale, en indiquant que les familles mettent la stabilité du foyer à tout prix. « Lorsqu’une femme subit des violences, elle est souvent dissuadée d’en parler ou de porter plainte par sa propre famille ou la communauté, qui privilégie la préservation du foyer et de l’honneur familial ».
La psychogénéalogiste déclare enfin que le poids de la religion et des rites dans certaines communautés entretiennent l’idée que la femme doit garder le silence absolument. « Certaines croyances et rites perpétuent l’idée que les femmes doivent être disciplinées pour rester à leur place et empêchent les femmes de s’exprimer et de dénoncer », a-t-elle expliqué.
Toutes ces raisons démontrent que les violences conjugales dans certains cas sont justifiées et entretenues par le poids des systèmes de pensées et de valeurs, qui favorisent la non-dénonciation de ces dernières en mettant les femmes dans une case dans laquelle elles ne devraient pas sortir. Toutefois, des initiatives sont prises par des ONG, associations et même par les autorités, dans l’optique d’éduquer les populations quant à la nécessité de dénoncer toutes formes de violences conjugales et se défaire de ces considérations qui freinent l’émancipation de la femme dans son ensemble.