À l’approche de l’annonce du nouveau gouvernement, un débat essentiel revient sur la table : celui de la compatibilité, ou plutôt de l’incompatibilité, entre les fonctions de ministre et celles de député.
Un débat d’autant plus légitime que l’Article 73 de la Constitution gabonaise est sans ambiguïté : « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice d’un mandat parlementaire ».
Cette phrase, simple en apparence, soulève aujourd’hui plusieurs interrogations. Car au-delà de la lettre, c’est l’esprit de la Constitution qui interpelle : comment garantir la séparation des pouvoirs si les détenteurs de l’exécutif peuvent, même temporairement, continuer d’incarner le législatif ? Comment assurer une représentation fidèle des populations quand un élu, en rejoignant le gouvernement, cesse de siéger au Parlement, souvent sans que ses électeurs n’en soient informés à l’avance ?
L’enjeu dépasse la technique institutionnelle. Il touche au cœur même de la confiance publique. Dans la rue, dans les quartiers, dans les administrations, le sujet fait réagir. Firmino. G, un compatriote résume, exaspéré, « On vote pour quelqu’un qui doit défendre nos problèmes, et quelques semaines après il disparaît au gouvernement… Alors, nous, on devient quoi ? »
Sarah Mboumba, une jeune diplômée, s’interroge sur la cohérence de la gouvernance. « Comment un ministre peut-il être à la fois celui qui propose les lois et celui qui est censé les contrôler au Parlement ? On ne peut pas être juge et partie ».
D’autres expriment un sentiment d’injustice. « Si on sait qu’on veut être ministre, pourquoi se présenter comme député ? Les gens ne sont pas des marches-pieds politiques ».
Face à cela, une question centrale s’impose : faut-il clarifier ou renforcer les mécanismes permettant d’éviter toute confusion entre mandats ? Car si la Constitution est claire sur l’incompatibilité, la pratique politique, elle, l’est parfois moins. Certaines nominations rapides, des démissions tardives, ou des remplacements peu visibles brouillent encore les lignes.
L’autre enjeu concerne la légitimité démocratique. À quel moment le mandat parlementaire devient-il réellement vacant ? Comment s’assurer que le suppléant, lorsqu’il existe, ait la légitimité ou les moyens de représenter efficacement les électeurs ? Et que se passe-t-il lorsque le suppléant n’est pas élu, mais seulement désigné ?
À l’heure où le pays cherche à consolider un État plus transparent, lisible et crédible, ce débat sur l’incompatibilité ministres-députés n’est pas secondaire : il est structurant. Il questionne le rapport entre les institutions et la population, mais aussi la cohérence de la réforme de l’État et la volonté affirmée de renouveler la gouvernance.
Alors que le nouveau gouvernement s’apprête à être dévoilé, une interrogation s’impose, presque comme un défi : sera-t-il l’occasion d’une pratique plus rigoureuse du principe constitutionnel, ou perpétuera-t-il une zone grise que de nombreux Gabonais ne comprennent plus et n’acceptent pas ?

