Au Gabon, le cinéma peine à trouver sa place malgré l’émergence d’une jeunesse créative et de nouveaux talents. Si les initiatives individuelles se multiplient, courts-métrages autoproduits, web-séries, films indépendants, le secteur reste freiné par un problème profond : une société qui, encore aujourd’hui, peine à considérer l’art comme un véritable métier.
Dans l’imaginaire collectif, les professions artistiques continuent d’être perçues comme des voies « incertaines ». Beaucoup de jeunes cinéphiles ou aspirants acteurs racontent avoir été découragés dès l’école, où l’on privilégie les parcours jugés “sûrs” au détriment des carrières créatives. Le cinéma, souvent réduit à un simple loisir, peine à être reconnu comme une industrie potentielle capable de créer de la valeur, de l’emploi et de l’influence culturelle.
Cette perception sociale a des conséquences concrètes : peu de structures de formation dédiées, presque aucune salle de cinéma opérationnelle et un investissement encore timide dans les métiers de production audiovisuelle. Résultat : les talents gabonais se retrouvent à créer dans des conditions précaires, ou à s’expatrier pour trouver des opportunités.
Une ancienne actrice des studios Montparnasse confirme cette réalité. « Il n’existe aujourd’hui aucune véritable structure de formation ou d’accompagnement pour les acteurs. Rien n’est mis en place pour encadrer sérieusement la cinématographie ». Selon elle, cette absence de cadre solide contribue directement au recul du cinéma gabonais. « Les structures talentueuses sont rares. Sans un espace pour se former, il est très difficile d’évoluer », regrette-t-elle.
Pourtant, les exemples de réussite ne manquent pas : films primés dans des festivals africains, documentaires reconnus, émergence de collectifs créatifs et d’associations culturelles telles que: The African who wanted to fly de Samantha Biffot, Boxing Libreville d’Amédée Nkoulou et le festival du film de Masuku. Preuve que le potentiel existe bel et bien, mais qu’il ne demande qu’à être soutenu, valorisé et institutionnalisé.
L’ancienne actrice rappelle que le pays possède pourtant un atout majeur. « Le Gabon a une diversité culturelle énorme. Avec ça, on pourrait être dans le top 1 des pays de la sous-région si le cinéma était réellement soutenu ».
Mais au-delà du manque d’infrastructures, le secteur souffre d’obstacles structurels. Une directrice artistique des studios Montparnasse pointe d’abord l’absence de cadre juridique. « Il n’y a pas de textes qui encadrent l’exercice cinématographique. Même les droits d’auteur ne sont pas réellement appliqués ».
Ce vide légal renforce une perception négative du métier, « C’est pour ça que beaucoup disent que le cinéma ne paie pas au Gabon. Sans protection et sans cadre, on ne peut pas vivre du cinéma ici, sauf si on a de très bonnes ramifications », explique-t-elle. Elle souligne également le manque de structures engagées, « Aujourd’hui, à part les studios Montparnasse, il n’y a presque aucune structure qui valorise réellement le cinéma gabonais et qui porte nos couleurs à l’extérieur ».
À l’heure où de nombreux pays africains misent sur l’économie culturelle comme moteur d’image et de croissance, la reconnaissance du cinéma comme une filière sérieuse au Gabon pourrait pourtant ouvrir de nouvelles perspectives : diversification économique, valorisation du patrimoine, création d’emplois et rayonnement culturel.
Le véritable frein du cinéma gabonais ne serait-il pas, finalement, ce manque de reconnaissance sociale, financière et juridique de l’art comme véritable voie professionnelle ? Sans infrastructures, sans cadre légal et sans financement, les initiatives restent isolées et peinent à s’imposer durablement.

