La Guinée-Bissau reste plongée dans l’incertitude politique depuis le coup de force qui a suivi les élections générales du 23 novembre 2025. Face à la situation, la CEDEAO a adopté une posture ferme, mais qui soulève des interrogations jusque dans l’opinion régionale : comment exiger la publication « immédiate » des résultats tout en laissant ouverte la possibilité d’une transition militaire d’un an ?
Dans son communiqué, la CEDEAO a rappelé une condition qu’elle qualifie elle-même de « non négociable » : la publication sans délai des résultats de l’élection présidentielle interrompue par le coup de force. Pour l’organisation ouest-africaine, cette étape est indispensable pour « rétablir la vérité des urnes » et éviter que les militaires ne redessinent eux-mêmes l’issue du scrutin.
La commission électorale nationale, dont les travaux ont été suspendus par les putschistes, détient toujours les procès-verbaux qui doivent permettre d’annoncer le nom du vainqueur. Dans le même temps, la CEDEAO a indiqué que la proposition de la junte d’instaurer une transition d’un an serait examinée lors du prochain sommet des chefs d’État. Une formulation qui surprend, alors que l’organisation affiche une ligne dure contre les coups d’État depuis plusieurs années.
Pour certains observateurs, cette ouverture est un signe que la CEDEAO cherche à maintenir un canal de dialogue avec les militaires, afin d’éviter « une impasse diplomatique ou un enlisement sécuritaire dans ce pays déjà fragile ». Pour une partie de l’opinion, la position de l’organisation régionale pourrait s’apparenter à une contradiction : comment demander l’annonce du vainqueur tout en considérant l’idée que les putschistes restent au pouvoir pendant encore douze mois ?
Mais selon plusieurs analystes, les deux points ne s’opposent pas forcément. La publication des résultats permettrait d’établir clairement qui a remporté l’élection, sans pour autant régler immédiatement la question du pouvoir réel. Autrement dit, il est théoriquement possible que le nom du vainqueur soit connu, mais que les militaires, dans un accord négocié, conservent la direction de la transition avant de remettre le pouvoir aux civils.
Une option qui resterait toutefois contraire à l’esprit des textes de la CEDEAO, qui prônent un retour rapide à l’ordre constitutionnel.
En réalité, la CEDEAO semble marcher sur une ligne de crête, rappeler ses principes tout en évitant un bras de fer frontal avec une junte qui, pour l’instant, contrôle l’appareil sécuritaire et administratif. Le sommet des chefs d’État devrait clarifier la position finale de l’organisation et fixer les contours d’un éventuel calendrier.
Dans l’attente, la population bissau-guinéenne reste suspendue à deux décisions majeures : la publication des résultats d’un scrutin déjà accompli… et la durée réelle de la transition qui déterminera quand et comment le pays reviendra sur le chemin de la normalité démocratique.

